Comment la relecture vient-elle au secours de l’écrit académique? (2/3)

22.11.2022 | Méthodes de travail | Camillia Salas

 

UniNE-BLOG-relcture-2.pngPour de nombreux auteurs, comme les écrivains du réalisme, l’écriture sort de leurs entrailles, elle les malmène comme en témoigne Flaubert dans ses lettres à Louise Colet.


Ça ne va pas. Ça ne marche pas. Je suis plus lassé que si je roulais des montagnes. J'ai dans des moments, envie de pleurer. Il faut une volonté surhumaine pour écrire. Et je ne suis qu'un homme. (...) Vingt pages en un mois, et en travaillant chaque jour au moins 7 heures ! - Et la fin de tout cela ? Le résultat ? Des amertumes, des humiliations internes, rien pour se soutenir que la férocité d'une Fantaisie indomptable.

Gustave Flaubert à Louise Colet, Croisset, 3 avril 1852. Lettre n°418

 

Pour de nombreux auteurs, comme les écrivains du réalisme, l’écriture sort de leurs entrailles, elle les malmène comme en témoigne Flaubert dans ses lettres à Louise Colet. Que ce soit Victor Hugo qui dénonce les conditions de vie d’un condamné à mort ou encore Marcel Proust qui est pressé par la mort de sa grand-mère dans certaines de ses œuvres, les écrivains du réalisme montrent à quel point l’écriture reste une œuvre personnelle et souvent intime. Et lorsqu’il s’agit d’y apporter, en plus, l’exigence du style, comme le fait Flaubert, l’exercice paraît insurmontable : l’écriture est douloureuse, lente et renvoie au prolongement de l’être : tel un circuit sisyphéen, Flaubert, rature, retire, recommence à zéro (Barthes, 1968 :48-49). Écrire, résonne, ici, comme le dévoilement de soi.

Au contraire, dans l’écrit académique, la subjectivité et le fait de s’intégrer dans ses propos n’est pas souhaité. Des aspects relatifs à la gestion de la présence du scripteur dans l’écrit, tels que faire preuve de prudence scientifique et d’honnêteté intellectuelle ainsi que conserver une posture d’observateur objectif et externe, sont attendus. Mais si écrire c’est nécessairement se raconter, l’écriture laisse indubitablement des traces de soi en discours. Par exemple, tous les scripteurs scientifiques ne possèdent pas les mêmes tics d’écriture, les mêmes styles ni les mêmes tonalités pour rendre compte d’un objet d’étude. Ils n’ont pas, non plus, les mêmes lacunes rédactionnelles. Tous ces éléments sont autant de façon de se dévoiler en discours et se manifestent de plusieurs façons : i) problèmes de cohérence et de cohésion textuelle ; ii) problèmes en lien avec la mise en page (oubli de justifier le texte ; oubli de vérifier les normes rédactionnelles) ; iii) problèmes relatifs à la langue (lexique, répétition, orthographe, etc.) ; iv) non-respect de la consigne de l’exercice (renvoi partie III). En outre, l’écriture, quel que soit le genre discursif, est nécessairement rattachée à l’état émotionnel de son scripteur, voire de son état physiologique. On n’écrit donc pas de la même façon quand on est en colère, triste, fatigué ou que notre esprit s’embrouille. En résumé, les conditions de mise en œuvre de l’écriture sont autant de déclencheurs pouvant nous trahir et renforcer nos lacunes rédactionnelles.

Dans ce contexte, le travail de relecture est l’étape indispensable pour rendre votre écrit académique le plus neutre possible ; la posture d’observateur externe obligeant à anticiper les aléas émotionnels et physiologiques de l’écriture et tenir compte de vos lacunes rédactionnelles. Maintenant, il ne reste plus qu’à savoir comment relire votre travail académique. Une des méthodes possibles et celle du gueuloir de Flaubert...à suivre donc !

 

Références bibliographiques

Barthes, R. (1968). « Flaubert et la phrase », Word, 24:1-3, 48-54, DOI: 10.1080/00437956.1968.11435512.

Flaubert G., (2003). Lettres à Louise Colet. Editions Magnard.


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Biographie

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Camillia Salas
Chargée d'enseignement
Institut des sciences de la communication et de la cognition
Chaire linguistique et analyse discours

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