Antti Rajala, votre leçon inaugurale porte sur l’éducation des jeunes à l’ère de la crise écologique, pourquoi vous passionnez-vous pour cette thématique?
Ma leçon inaugurale portera sur ce que mon groupe de recherche appelle la pédagogie des utopies concrètes. Je soutiendrai que, compte tenu notamment de la crise climatique actuelle, il est nécessaire de mettre en place des approches pédagogiques qui permettent aux élèves de remettre en question les notions établies et d'imaginer de nouvelles façons durables et justes d'organiser les activités au sein des sociétés. Dans ma leçon inaugurale, je partagerai des exemples tirés de mes recherches dans des lycées, où les enseignant-e-s ont mis en œuvre une telle pédagogie. Dans ce contexte, le terme «utopies concrètes» fait référence tout d’abord aux visions des jeunes de futurs alternatifs et ensuite à la mise en œuvre de ces visions, par exemple dans le cadre de projets pédagogiques conçus par les jeunes, en collaboration avec leurs enseignant-e-s et d'autres parties prenantes, telles que des urbanistes, des ONG ou d'autres partenaires communautaires.
J'évoquerai également les travaux en cours de mon groupe de recherche, sur l'apprentissage des jeunes à l'école et en dehors de l'école, en particulier en lien avec la crise climatique, au Sénégal, au Brésil et en Finlande. On sait que, dans le contexte mondial, les perspectives des jeunes sur les impacts, les effets et les solutions possibles à la crise climatique varient en fonction de leur contexte socioculturel. Dans le cadre de nos recherches, nous examinons comment la vie quotidienne et les contextes d'apprentissage des jeunes Finlandais, Sénégalais et Brésiliens sont façonnés par divers systèmes de connaissances culturelles, religieuses et autochtones.
Quelle est l’actualité de votre thématique de recherche?
Une évolution récente et stimulante est l'émergence de perspectives mondiales dans la recherche sur l'apprentissage et l'éducation. Des alternatives sont en cours d'élaboration pour remplacer les cadres eurocentriques et universalistes, insuffisants pour relever les défis mondiaux actuels tels que notamment le changement climatique, d'une manière qui soit juste socialement.
Comment et quand vous y êtes-vous intéressé la première fois?
Tout au long de ma carrière, je me suis intéressé à la manière dont l'éducation peut être repensée pour soutenir l'apprentissage actif et le pouvoir d’agir des élèves, c'est-à-dire leur volonté et leur capacité à influencer et à agir sur leur environnement. Mon intérêt pour la résolution des problèmes sociétaux par l'éducation s'est particulièrement développé grâce à mon engagement dans des organisations non gouvernementales. J'ai par exemple occupé pendant quatre ans le poste de président de l'Institut finlandais pour l'éducation à la paix.
Que diriez-vous sur votre thématique de recherches que vous n’auriez pas dit il y a 5, 10, ou encore 20 ans?
Au cours des dernières décennies, la recherche sur l'apprentissage et l'éducation s'est principalement concentrée sur la préparation des jeunes à un monde relativement stable et bien défini. Cependant, je pense que les crises écologiques et sociales actuelles nécessitent des approches de recherche engagées dans le domaine de l'éducation, axées sur la réinvention des pratiques non durables dans la société et qui positionnent les jeunes comme des acteurs du monde.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans le fait de transmettre l’objet de vos recherches à des étudiant-e-s?
J'adore discuter avec les étudiantes et les étudiants, et je me surprends souvent à apprendre d’elles et d’eux.
Enfant, quel métier rêviez-vous de pratiquer un jour?
Je rêvais d'être musicien ou acteur!
Un livre lu dans l’enfance ou l’adolescence et qui a participé à vous construire en tant que personne?
«Cent Ans de solitude», de Gabriel García Márquez, a été un livre important pour moi.
Les genres musicaux, les artistes qui vous accompagnent en général?
J'écoute des genres très variés, de la musique classique au jazz, en passant par le rap.
Le souvenir d’un moment particulièrement fort vécu dans le cadre universitaire, en tant qu’étudiant ou en tant que professeur?
J'ai suivi une formation dans le cadre d'un programme novateur, axé sur les idées et la participation active des étudiants. Nous disposions d'une grande autonomie pour concevoir nos propres parcours d'études et mener des projets à long terme avec nos pairs. Cette expérience profondément positive a eu un impact durable sur mes recherches et mon enseignement.
Interview UniNE 2025
Réalisation : Julie Mégevand
Crédit photo : Mikko Huotari