Histoire

Depuis sa création, l’Université de Neuchâtel a toujours eu le souci d’offrir des formations de très haut niveau. Sa petite taille lui confère le dynamisme et la souplesse nécessaires pour atteindre cet objectif.

Fondée en 1838, l’Académie de Neuchâtel doit sa naissance autant à l’impulsion de l’éminent géologue et paléontologue Louis Agassiz qu’à une forte volonté politique de doter la région d’un outil de formation de qualité.

En 1866, l’institution compte déjà les facultés de lettres, de sciences et de droit et des sections gymnasiales. En 1873 s’y ajoute celle de théologie. Le 18 mai 1909, par décret du Grand Conseil neuchâtelois, l’Académie de Neuchâtel est officiellement consacrée Université de Neuchâtel. Dès 1910, elle se voit enrichie d’une section de sciences commerciales, ainsi que de possibilités de décerner des doctorats dans toutes les facultés.

Chronologie

Né à Môtier (FR) en 1807, décédé à Boston (USA) en 1873, le naturaliste Louis Agassiz a exercé une profonde empreinte sur le développement de la vie scientifique neuchâteloise. Recruté par les autorités de la Principauté de Neuchâtel en 1832, ce jeune savant doté d’un charisme exceptionnel s’était déjà fait un nom dans les universités allemandes et à Paris, par ses travaux d’étude comparée et d’embryologie des oursins et des poissons fossiles et vivants. Dès 1837, il acquiert une réputation mondiale avec sa « théorie glaciaire » : à la suite d’expéditions alpines largement médiatisées, ses travaux sur le glacier de l’Aar lui permettent d’établir l’existence d’un âge glaciaire préhistorique, qui prolongeait la théorie des catastrophes de Cuvier.

En 1846, Agassiz émigre aux Etats-Unis, pour s’installer à l’Université de Harvard, où il crée le Musée de zoologie comparative, qui devient bientôt l’un des principaux musées scientifiques du monde. Fortement engagé dans la diffusion publique du savoir et dans la défense de l’instruction des femmes, Agassiz a joué un rôle décisif pour l’affirmation de la science en Amérique. Aujourd’hui, cependant, son héritage doit se mesurer à l’aune de ses thèses fixistes et de ses doctrines raciales.

Dès la parution de l’Origine des espèces en 1859, Agassiz se profile en effet comme l’un des principaux adversaires de Darwin. Farouchement opposé à l’évolutionnisme, le naturaliste suisse avait pourtant contribué à la mise en évidence du développement progressif de la vie et de la succession des espèces. Dans l’épistémologie finaliste d’Agassiz, cependant, ces filiations n’étaient pas génétiques, mais idéelles : elles suivaient un Plan divin de créations successives établi dès l’origine du monde.

Quoique catégoriquement hostile à l’esclavage des Noirs, Agassiz est marqué par un racisme viscéral. Ses positions relatives à l’infériorité de la « race noire » ne se distinguaient pas de celles partagées par la majorité des anthropologues de l’époque. Mais à la différence de ses confrères, Agassiz s’est profondément compromis dans le débat public, en alimentant, avec son puissant prestige scientifique, une idéologie raciste aux répercussions politiques prévisibles. En 1863, il recommande ainsi aux autorités de l’Union de concentrer les esclaves affranchis dans certaines zones des états du Sud, afin d’éviter les conséquences selon lui néfastes de la contamination réciproque des races blanche et noire. Par-delà l’égalité officiellement proclamée, cette recommandation préfigurait en quelque sorte la ségrégation de fait qui s’imposera peu à peu, après la Guerre de Sécession.

En savoir plus

  • FÄSSLER, Hans (2007). Une Suisse esclavagiste. Voyage dans un pays au-dessus de tout soupçon. Paris/Genève, Duboiris
  • KAESER, Marc-Antoine (2007). Un savant séducteur : Louis Agassiz (1807-1873), prophète de la science. Vevey, L’Aire
  • KAESER Marc-Antoine (sous presse). « Louis Agassiz », in Dictionnaire historique et critique du racisme (P.-A. Taguieff ed.). Paris, Presses Universitaires de France
  • LURIE Edward (1960). Louis Agassiz, A Life in Science. Baltimore, Johns Hopkins University Press
  • SCHAER Jean-Paul (2007). «Agassiz face à la diversité des races humaines», Bulletin de la Société neuchâteloise des sciences naturelles 130/1, p. 49-63.

La volonté de vivre chevillée au coeur

Les artisans de la première Académie créée en 1838 pouvaient-ils imaginer que, sept décennies plus tard, elle se transformerait en université ? Histoire d’une institution fragile mais pugnace, petite mais déterminée…

Fondée en 1838 par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, la première Académie de Neuchâtel n’aura guère le loisir de prendre ses marques. Le 17 juin 1848, à peine est-elle installée, la jeune République sonne le glas d’une institution jugée trop monarchiste à ses yeux.

Il faut attendre 1866 pour qu’une seconde Académie renaisse, non sans âpres débats et tensions avec les autorités locales de Neuchâtel. Mais l’environnement politique et social s’avère désormais propice au développement d’un enseignement supérieur. Le Conseil d’Etat lui attribue un rôle bien spécifique, celui de « préparer les jeunes gens aux études universitaires et polytechniques, [de] former les citoyens à des carrières exigeant une instruction supérieure et [d’]entretenir dans le pays une culture littéraire et scientifique ».

Au fil des ans, la seconde Académie vit plusieurs réformes, s’enrichit d’une faculté de théologie et dote ses trois autres facultés (lettres, sciences, droit) de nouveaux enseignements. Dès 1886, elle s’installe dans un bâtiment fambant neuf à l’avenue du 1er-Mars 26 pour y accueillir sa centaine d’étudiants réguliers.

Au tournant du siècle s’engage une réflexion sur la transformation de l’Académie en université. Les objections sont nombreuses. Plusieurs projets sont nécessaires avant que l’Académie ne reçoive, en 1909, le nom d’université et ne puisse délivrer le titre de docteur.

Les acteurs de l’époque lui fixent trois objectifs : être le vivier des pasteurs, des magistrats, des avocats et des professeurs du canton, entretenir la culture dans le pays et collaborer au développement de la science par la recherche. Tout au long de ces années, l’Université de Neuchâtel n’a cessé de se battre pour obtenir la reconnaissance de son rôle et de son rang. Reste à convaincre les autorités de lui allouer les moyens nécessaires à sa nouvelle vie…

Contre vents et marées

La crise économique des années 1920 et 1930 n’épargne pas l’Université de Neuchâtel. Très rapidement, les soucis financiers qui l’assaillent provoquent réactions, interrogations et… remise en question de sa propre existence. Contre vents et marées, elle résistera.

Créer une université romande ? Répartir des facultés uniques entre Lausanne, Genève et Neuchâtel ? L’idée n’est pas nouvelle – elle est notamment évoquée en 1904 – mais elle reprend force à l’aune des difficultés financières que connaît l’Etat de Neuchâtel dès le début des années 1920.

Les députés au Grand Conseil agitent la question, des négociations s’engagent entre les trois Gouvernements. Face aux identités cantonales, elles n’aboutissent pas à des mesures concrètes. Pour clarifier la situation, le Conseil d’Etat livre un rapport en 1925 : il y signifie clairement son attachement à une université humaniste et généraliste, où les différents enseignements qu’elle délivre sont solidaires. C’est même l’occasion pour les autorités de dresser un plan d’avenir qui prévoit d’intensifier l’influence de l’Université sur l’activité générale et la vie intellectuelle du canton.

La menace d’abandon de telle branche ou de telle faculté qui a plané sur l’Université de Neuchâtel se calme… avant de réapparaître avec vigueur au début des années 1930. Cette fois, il n’est plus question de regroupement intercantonal, mais de… suppression de l’institution. La mesure proposée par un député au Grand Conseil est radicale, mais elle ne fera que rassembler les forces derrière l’institution, qui sera néanmoins soumise à un contrôle très sévère de ses dépenses jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En 1943, le conseiller d’Etat Camille Brandt écrit au recteur Carl Ott : « Les opinions pouvaient être partagées au moment où les économies forcées portaient atteinte aux institutions les plus diverses de la République. Mais maintenant, une sorte d’unanimité s’est faite pour maintenir et développer notre établissement d’enseignement supérieur. »

Confiante en l’avenir

Libérée de l’étau de la Deuxième Guerre mondiale, l’Université de Neuchâtel retrouve confiance et optimisme. A la recherche de nouveaux étudiants, elle s’ouvre à l’extérieur. La création, en 1952, du Fonds national suisse pour la recherche scientifique lui offre un ballon d’oxygène bienvenu.

Se défendre contre les velléités de suppression ou contre la répartition des enseignements entre les universités romandes appartient au passé. Au sortir du conflit mondial, l’Université de Neuchâtel adopte l’assurance qui sied à l’époque. Soucieuse d’établir des liens avec l’extérieur, elle participe au mouvement de solidarité qui voit le jour, en octroyant une aide financière aux Universités d’Oslo et de Groningue.

Mais cette confiance retrouvée ne l’empêche pas de se préoccuper de sa « clientèle », qu’elle soit étrangère ou autochtone : si les étudiants, juste après la guerre, s’annoncent nombreux, leur effectif chute jusqu’en 1954, date à laquelle la tendance s’inverse à nouveau. Et pourtant. L’Université étoffe régulièrement sa palette de cours et de formations…

Elle remporte, au début des années 1950, un succès populaire – non sans d’amples discussions – et se voit octroyer des crédits importants pour la construction des Instituts de botanique et de zoologie au Mail (inaugurés en novembre 1954) ainsi que pour des transformations dans le bâtiment de l’avenue du 1er-Mars. L’Université respire. L’ancrage de l’institution dans la société civile est désormais solide.

Au-devant de la scène émergent également une question, celle du rôle de la recherche scientifique, et une conviction, celle que la prospérité de l’industrie est étroitement tributaire des découvertes scientifiques. L’exigence, pour les universités et leurs facultés des sciences, de nouvelles ressources et d’équipements adéquats sera à l’origine non pas d’un subventionnement fédéral, que les souverainetés cantonales redoutent, mais de la création, en 1952, du Fonds national suisse de la recherche scientifique. Celui-ci offre à Neuchâtel un nouveau souffle.

Nouvelles ressources, nouvelles ambitions

L’Université dessine son avenir en fonction des nouvelles ressources qui s’esquissent grâce à la Confédération. Même si elle demeure une institution modeste, son rôle dépasse désormais les frontières cantonales. La crise économique des années 1970 imposera des priorités. Neuchâtel fait le pari de la microtechnique.

C’est un Neuchâtelois qui sera au cœur de la mise en place de l’aide fédérale. Professeur de langue et littérature latines, recteur de l’Université de 1963 à 1965, André Labhardt façonne, avec la commission d’experts qu’il préside, les grandes lignes de la politique fédérale de subventionnement des universités suisses. C’est un tournant fondamental. Le rapport Labhardt, livré en 1964, appelle de ses vœux l’entrée en jeu de la Confédération et ouvre des perspectives prometteuses pour les institutions qui s’apprêtent à voir le nombre de leurs étudiants augmenter en flèche.

Neuchâtel en profite pour tracer le futur développement de son institution et présente, dans un rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil datant de 1965, un programme ambitieux : construction de l’Institut de chimie au Mail, réaménagement des locaux libérés à l’avenue du 1er-Mars, édification de la Cité universitaire et… construction d’un bâtiment pour les sciences morales. Entre autres.

L’Université de Neuchâtel vit une période qu’on peut qualifier d’« âge d’or », marquée par une série de réformes et de nouvelles législations tant fédérales que cantonales. C’est à peine si Mai 68 vient la troubler, même si les événements instaurent des rapports de force placés, dès 1971, sous le sceau de la participation, encore modeste il est vrai.

La crise économique des années 1970 rappellera à ceux qui l’auraient oubliée la nécessité de garder… les pieds sur terre ! L’Université devra faire de gros sacrifices et établir des priorités. Et pourtant. C’est en pleine morosité que Neuchâtel prend le pari de créer, en 1975, l’Institut de microtechnique (IMT), signe d’une ouverture à la région et aux préoccupations de l’industrie.

Une institution sous pression

La crise des années 1970 est passée par là. Le temps est venu d’approcher différemment le développement de l’Université de Neuchâtel. Une politique de collaboration et d’ouverture se met en place… sous la pression des événements.

Il est loin le temps où l’Université pouvait penser son avenir en vase clos. L’heure est désormais à la collaboration entre institutions, à l’ouverture vers l’extérieur.

Ce mouvement prend la forme d’abord d’un accord intercantonal signé en 1981 (versement, par les signataires, d’une indemnité par étudiant), puis du réseau BeNeFri, qui instaure, dès 1995, une coopération entre les Universités de Berne, Neuchâtel et Fribourg.

Parallèlement, l’Université se tourne vers l’extérieur, se rapproche de sa terre naturelle, l’Arc jurassien, en prenant en compte ses besoins. Un Groupe Université-Economie (GRUNEC) est créé en 1985, des cours d’entrepreneurship sont mis sur pied, autant de signes d’ouverture vers les préoccupations régionales. La décentralisation de l’institution vers le Haut du canton est même débattue, sans passage à l’acte il est vrai.

Mais l’ouverture se décline aussi, dès le début des années 1990, en termes européens. Neuchâtel s’engage dans les programmes d’échanges et de recherche qui s’organisent, prélude à l’apparition, sous l’impulsion, dès 1997, du nouveau Secrétaire d’Etat à la science et à la recherche Charles Kleiber, d’autres acteurs sur la scène de l’enseignement supérieur.

Face à un environnement de plus en plus mouvant, l’Université doit se positionner : elle ose revendiquer son petit gabarit, atout de taille pour promouvoir un encadrement de proximité des étudiants. Car ce sont bien eux, potentiels clients, qu’il s’agit désormais de séduire.

Neuchâtel est contrainte, vers la fin des années 1990, tant de se profiler que de diffuser un esprit d’entreprise dans la conduite de son développement. Et la nouvelle Loi sur l’Université de 1996 va bien dans ce sens, en accordant désormais une « enveloppe budgétaire » à l’Alma Mater et en renforçant le rôle du rectorat. Responsabilité, autonomie, priorités, concurrence s’insinuent dans le vocabulaire.

Collaborez, faites preuve d’excellence…

D’humaniste qu’elle était il y a cent ans, l’Université de Neuchâtel – à l’instar de ses consœurs helvétiques – est devenue un maillon d’un réseau national d’institutions gouverné par la Confédération. L’influence de cette dernière n’a cessé de s’accroître. Aujourd’hui, elle affirme : « Collaborez et faites preuve d’excellence »…

La signature, par la Suisse, de la Déclaration de Bologne les 18 et 19 juin 1999 a entraîné un changement radical du paysage de l’enseignement supérieur dans le pays. Les législations cantonales s’avèrent vite dépassées. La Confédération prépare de nouvelles bases constitutionnelles pour la formation, la recherche et l’innovation, tandis que Neuchâtel travaille à la révision de la Loi sur l’Université datant de… 1996. La nouvelle législation, qui entre en vigueur en 2003, accorde un rôle accru au recteur, fusionne les deux Conseils (de l’Université et rectoral) en un seul Conseil de l’Université, organe de contrôle et de soutien à l’égard du rectorat. Elle prévoit l’élaboration d’un mandat d’objectifs passé entre l’Université et le Conseil d’Etat et ratifié par le Grand Conseil.

L’exigence fédérale d’une collaboration renforcée entre institutions et de l’excellence dans les enseignements proposés a pour corollaire la création, en 2003, du réseau appelé « Triangle Azur », regroupant les universités de Genève, Lausanne et Neuchâtel, et l’obligation de mettre l’accent sur des domaines d’excellence.

Recteurs et rectrices

De 1909 à aujourd’hui, 42 recteurs et une rectrice ont contribué à l’essor de l’institution.

Figures marquantes

L’Université a vu défiler des figures marquantes qui ont écrit des pages de l’histoire suisse, voire mondiale.

Denis de Rougemont

Exposition du 03 mai au 31 juillet 2019 : Pour une autre Europe: Denis de Rougemont

Mohammad Mossadegh

Exposition dans le cadre du Printemps culturel 2015

Centenaire de l’Université

Une année 2009 riche en événements

En savoir plus

  • Histoire de l’Université de Neuchâtel, t. 1, La première Académie 1838-1848
  • Histoire de l’Université de Neuchâtel, t. 2, La seconde Académie 1866-1909
  • Histoire de l’Université de Neuchâtel, t. 3, L’Université, de sa fondation en 1909 au début des années soixante

Ces ouvrages sont disponibles auprès du secrétariat de la Société des Alumni, diplômés et amis de l’UniNE.

Dossier UniNEws

Numéro Spécial
Université de Neuchâtel : un siècle d’ambition et de talents

Brochure UniNEws