La consubstantialité du capitalisme, du colonialisme et du racisme et la question migratoire

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La littérature scientifique sur les processus et les politiques migratoires croît de manière exponentielle depuis plusieurs décennies. Elle reste cependant caractérisée pour une part importante du corpus par des angles morts portant à la fois sur le passé et sur la situation contemporaine. L’objectif de notre présentation est d’éclairer les enjeux de la question migratoire en la restituant dans ses différents contextes (historique, économique et politique). Au niveau historique ce qui se dévoile, selon nous, est l’aspect inédit dans l’histoire de l’humanité du mode de production capitaliste qui a comme caractéristique de ne pouvoir fonctionner qu’en s’étendant. Cette caractéristique a été productrice d’une consubstantialité entre le capitalisme et le colonialisme qui émergent simultanément lors de la «découverte de Christophe Colomb» de 1492 et qui s’entretiennent l’un l’autre depuis. Cette «unification» contrainte du monde peut se lire comme une chronique de la mise en dépendance des périphéries colonisées et comme une destruction de leurs modes de production mais aussi comme étant un des principaux facteurs déterminant l’histoire économique, politique et idéologique des centres dominants. Un tel bouleversement, une telle violence, sur un temps aussi long, ne peut se dérouler sans accompagnement idéologique. Le racisme qui se formule pour la première fois dans la même séquence historique constitue, selon nous, cet accompagnement. Il est en conséquence lui aussi consubstantiel avec le capitalisme et le colonialisme. A ce titre il ne peut se réduire à un «virus» extérieur ou à une «phobie» mais doit, selon nous se lire comme le résultat de cette mise en dépendance du monde. L’émigration comme résultat de cette mise en dépendance brutale des périphéries et l’immigration comme variable d’ajustement structurelle d’une part et comme mode de gestion des rapports de classe des pays du centre font ainsi système. Les évolutions de cette mise en dépendance (esclavage, colonialisme, néocolonialisme, «mondialisation») susciteront sans surprise des mutations des politiques migratoires mais aussi des visages successifs du racisme.

Biographie

Saïd Bouamama est sociologue aujourd’hui retraité. Il a été au cours de sa carrière chargé de recherche à l’IFAR de Lille. Ses principaux travaux portent sur l’immigration et les questions migratoires, les classes et quartiers populaires et les discriminations racistes et islamophobes, les rapports sociaux de dominations et les idéologies qui les légitime et l’histoire des luttes anticoloniales. Il a aussi été cofondateur du PHARE pour l’Égalité (Praxis Histoire Action-Recherche Éducation Populaire pour l’Égalité), organisme d'intervention sociologique dans le secteur social. Il est par ailleurs militant au Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP).

Publications choisies

  • Dix ans de marche des beurs, chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994
  • L’Affaire du foulard islamique : production d’un racisme respectable, Roubaix, Le Geai bleu, 2004
  • La France. Autopsie d’un mythe national, Paris, Larousse, coll. «Philosopher», 2008
  • Les Classes et quartiers populaires. Paupérisation, ethnicisation et discrimination, Paris, Éditions du Cygne, Collection recto-verso, 2009
  • Les Discriminations racistes : une arme de division massive, préface de Christine Delphy, Paris, L'Harmattan, 2010
  • Des classes dangereuses à l'ennemi intérieur: Capitalisme, immigrations, racisme, SYLLEPSE, 2021
  • Le Manuel de l’immigration – Les déracinés du capital, Investig’Action, 2022