Communiqué

Sondage en ligne: le parler local a la cote !

03 novembre 2015

Dites-vous manger le quignon ou le croûton? Cueillir des dents-de-lion ou des cramias? Lancé le 1er juin dernier par les universités de Neuchâtel, Genève et Zurich, le sondage en ligne sur les usages du français parlé en Suisse romande et France voisine a rencontré un immense succès: près de 10 000 personnes y ont participé! A la veille du Deuxième colloque international Dia du français actuel, qui aura lieu du 4 au 6 novembre à l’UniNE, les linguistes lèvent en primeur le voile sur les premiers résultats de cette enquête, soutenue en partie par le FNS, qui confirme la vitalité des expressions et prononciations régionales.

Les chercheurs des universités de Neuchâtel, Genève et Zurich pourraient dire qu’ils «sont déçus en bien». Lancée il y a cinq mois, l’enquête en ligne portant aussi bien sur les mots, les expressions que la prononciation du français parlé en Suisse romande et régions voisines (Ain, Doubs, Isère, Haute-Savoie, etc.) a rencontré un large écho auprès du public: 10 000 personnes y ont non seulement participé, mais nombreux sont celles et ceux qui ont réagi par voie de courrier pour commenter des expressions ou en proposer de nouvelles. «Le succès de l’enquête confirme le vif intérêt de la population à l’égard des particularismes linguistiques régionaux», se réjouit Federica Diémoz, à la tête du projet. «Le parler local reste une fierté, qui est intimement liée à l’identité de chacun.»

Si l’enquête s’intéresse aussi bien aux mots et expressions qu’aux prononciations du français parlé, elle vise surtout à en connaître leur vitalité et leur diffusion hors de leur lieu d’origine. Grâce aux milliers de réponses reçues, les linguistes ont pu réaliser à ce jour plusieurs dizaines de cartes qui mettent en exergue deux tendances principales.

Le sondage confirme d’une part qu’il existe de fortes disparités à l’intérieur même de la Suisse romande, entre les cantons, voire les districts, quant à l’usage de tel mot ou telle expression. Ainsi, l’adverbe droit dans une phrase comme c’est droit ce que je lui ai dit (qui signifie c’est exactement ce que je lui ai dit) est davantage utilisé par les locuteurs de l’Arc Jurassien. A l’inverse, les habitants de cette région emploient dans une moindre fréquence l’adjectif bonnard (utilisé pour qualifier quelque chose d’agréable) par rapport aux autres habitants de Suisse romande. Les dénominations de la balayette et de la petite pelle pour ramasser le cheni plaident également en faveur du morcellement linguistique de la Suisse romande.

D’autre part, il ressort que la frontière politique entre la Suisse et la France n’en est pas toujours une sur le plan linguistique. Si l’on considère l’expression avoir meilleur temps, qualifiée souvent d’expression typique de la Romandie, on constate qu’elle est largement utilisée dans les départements du Doubs, du Jura et de Haute-Savoie. Quant au verbe voir, utilisé dans les formulations impératives pour nuancer un ordre (Sers-moi voir un verre! ou Dis voir!) et considéré également comme propre à la Suisse romande, il est plus souvent utilisé en France voisine que dans les cantons de Neuchâtel et du Jura!

Enrichi et complété par les suggestions des internautes, un nouveau sondage va être mis en ligne ce mois de novembre. «Le défi consistera ensuite à trouver le financement qui permettra d’exploiter et de valoriser à terme ces matériaux», relève la linguiste.

Federica Diémoz est directrice du Centre de dialectologie et d’étude du français régional, où elle enseigne en tant que professeure extraordinaire en dialectologie galloromane et sociolinguistique. Elle est également directrice ad interim du Glossaire des patois de la Suisse romande.

Après avoir travaillé à l’Université de Cambridge, en tant que postdoctorant FNS au Phonetics Laboratory, Mathieu Avanzi est aujourd’hui assistant postdoctorant au Romanisches Seminar de l’Université de Zurich et chercheur FNS au Centre Universitaire d’Informatique (CUI) à l’Université de Genève.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Federica Diémoz
Professeure extraordinaire en dialectologie galloromane et sociolinguistique
Institut des sciences du langage et de la communication
Centre de dialectologie et d’étude du français régional
Tél. +41 32 718 16 43
federica.diemoz@unine.ch

Mathieu Avanzi
Assistant Postdoctorant Romanisches Seminar, Université de Zurich, et chercheur FNS, Centre Universitaire d’Informatique (CUI),, Université de Genève
Tél.: +41 44 634 35 44 ; +41 22 379 00 74
mathieu.avanzi@uzh.ch