Communiqué

Le retrait de permis : analyse juridique d'une suite de durcissements

10 mars 2015

Les deux dernières révisions de la loi sur la circulation routière (LCR) ont considérablement durci les sanctions contre les automobilistes. Une thèse, dont la soutenance publique a lieu aujourd’hui à l’Université de Neuchâtel (UniNE), passe en revue ces nouvelles mesures et examine la nature juridique du retrait de permis ainsi que les règles de procédure et de recours. Conclusion de son auteur : alors que la sévérité de la première révision est admissible au regard des très bons résultats obtenus, la deuxième révision dite «Via sicura» est d’une sévérité disproportionnée.

Depuis 2005, date de l’entrée en vigueur de la révision 2001, la Suisse s’est hissée parmi les Etats dont les routes sont les plus sûres. La loi introduisait alors les retraits de permis en cascade (c’est-à-dire la prolongation progressive de la durée du retrait pour les récidivistes jusqu’au retrait définitif), les contrôles systématiques de l’ébriété, l’abaissement du taux d’alcoolémie à 0.5 pour mille et la tolérance zéro pour les stupéfiants. L’objectif le plus optimiste était de réduire le nombre de morts d’environ 500 à 350 par année. Il a été dépassé puisque le total a atteint 269 en 2013. Or la nouvelle révision concrétisant le programme «Via sicura», décidée en 2012 et dont l’entrée en vigueur a été échelonnée depuis 2013 jusqu’au-delà de 2017, contient des mesures qui renforcent la sévérité du dispositif : examen obligatoire de l’aptitude, introduction du délit de chauffard, recours aux boîtes noires et aux éthylomètres antidémarrage.

Bien que cette sévérité accrue et renouvelée ait permis de réduire drastiquement le nombre de victimes de la route, la proportionnalité des dispositions introduites par le législateur suscite toutefois des interrogations sur le plan juridique. L’auteur de la thèse Cédric Mizel constate : «Jamais le nombre de morts n’a été aussi bas et pourtant jamais il n’y a eu autant de condamnations pour des violations graves de la LCR. Aujourd’hui, si un juge a affaire à un automobiliste dont le tort est d’avoir roulé à 140 km/h sur l’autoroute dans une zone temporairement limitée à 80, il doit lui infliger au moins un an de peine privative de liberté. C’est la même peine plancher que pour un brigandage avec arme à feu.»

L’auteur estime dans ses conclusions que le système s’est coupé de la réalité et est devenu en partie incohérent. Le risque est que les sanctions – administratives comme pénales – ne soient plus comprises par le citoyen et que, finalement, toute l’économie de la loi s’en trouve fragilisée. Par ailleurs, la densité normative et le rythme effréné des changements législatifs, qui interviennent de surcroît par paquets à des intervalles rapprochés, sont problématiques. Ils créent une insécurité juridique tant pour les conducteurs que pour les autorités judiciaires, au point que l’adage «nul n’est censé ignorer la loi» s’applique particulièrement mal à la circulation routière.

La thèse – dans une version complétée passant en revue plus de 1000 arrêts – paraîtra ce mois dans la collection «Précis de droit Stämpfli» sous le titre : Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire.

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Responsable des affaires publiques et porte-parole
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