Quel sont les impacts des changements climatiques sur les insectes ravageurs en Suisse ? Tel est l’objet de ce projet de thèse en climatologie appliquée actuellement en cours à l’Université de Neuchâtel.
Dans le contexte des changements climatiques actuels, les insectes ravageurs constituent un enjeu particulièrement important pour les forêts, ainsi que pour l’agriculture. Le climat n’influence pas uniquement les arbres, mais également toutes les espèces vivant au sein des écosystèmes forestiers et agricoles. Parmi elles, les insectes sont particulièrement sensibles aux variations climatiques. Certaines espèces pourraient augmenter leur taux de reproduction et agrandir leur aire de répartition, vers des latitudes et des altitudes plus élevées. Ainsi, les ravageurs pourraient exercer une pression plus grande dans les décennies à venir. L’arrivée d’espèces ravageuses exogènes
augmente encore le danger.
Épicéas victimes du Bostryche typographe. © Beat Wermelinger
Objectifs
Cette recherche se base sur les connaissances entomologiques et botaniques les plus récentes afin de déterminer comment les paramètres climatiques dont dépendent certaines espèces de ravageurs ont évolué au cours des dernières décennies. Elle présente également des projections pour la suite du XXIe siècle, basées sur des scénarios climatiques. Le projet se structure en trois axes, combinant différentes saisons et échelles géographiques :
Évolution du nombre de jours sensibles pour la mineuse de la tomate (Tmin<0°C), la punaise verte du soja (Tmin<-8°C), la processionnaire du pin et le puceron vert de l’épicéa (Tmin<-12°C) en Suisse
L’équipe de climatologie appliquée de l’Université de Neuchâtel collabore avec la Ville de Neuchâtel dans le cadre du projet d’adaptation aux changements climatiques intitulé « Serrières, vers une fraîcheur de vivre ». Une vingtaine de capteurs de température ont été installés dans le quartier de Serrières ainsi que dans le reste de la Ville afin de repérer et de quantifier les effets d’îlot de chaleur urbain. Nous étudions en particulier l’impact de la morphologie urbaine, de la végétation ainsi que du lac et des cours d’eau sur ces îlots de chaleur.
Ce projet est soutenu par l’Office fédéral de l’environnement dans son programme pilote d’adaptation aux changements climatiques.
Évolution de la température à Neuchâtel lors de la journée la plus chaude de l’année 2018 pour différents types de station.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du Programme pilote « Adaptation aux changements climatiques » de l’Office fédéral de l’environnement.
C’est un petit vignoble (600 ha) composé majoritairement de Pinot noir (55%) et de Chasselas (27%) (Cartillier 2018).
Figure 1 : Emplacement des vignes et des stations météorologiques utilisées pour le projet
Cette thèse en climatologie appliquée a eu pour but de déterminer les conditions climatiques au-delà desquelles la viticulture dans la région neuchâteloise devra s’adapter compte tenu des changements climatiques récents et futurs. Il s’agissait d’abord d’évaluer les implications des changements climatiques sur le vignoble neuchâtelois en se basant sur différents indices bioclimatiques pour des échéances passées et présentes et futures.
L’importance de la réalisation d’études à petite échelle (Ramos Martín, Jones and Yuste 2018, Pons et al. 2017, de Cortazar Atauri et al. 2016) qui prennent en considération les vitivinicultrices et vitiviniculteurs ayant été démontrée (Boyer 2016), le deuxième objectif de ce projet était de fournir un aperçu du climat qui caractérisera le vignoble neuchâtelois dans les décennies à venir. Le but est donc d’aider la profession vitivinicole à anticiper des méthodes d’adaptation aux changements climatiques. Des réunions annuelles ont été organisées afin de présenter l’avancement du projet et de discuter des résultats obtenus avec celle-ci. Un site internet est en construction. Il a pour but de rendre accessible les résultats obtenus. Des résultats ont été produits sous la forme de cartes détaillées du climat au travers des indices bioclimatiques relatifs au vignoble, pour des périodes passées, présentes et futures.
Plusieurs analyses ont été produites avec différents outils statistiques pour la période historique mais également dans des perspectives futures, à l’aide de deux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (RCP4.5 et RCP8.5). Les indices bioclimatiques pertinents pour la viticulture ont été analysés pour le vignoble, soit la température moyenne de la période végétative (GST) (Jones, 2006), l’indice héliothermique de Huglin (Huglin, 1978), l’indice de fraicheur des nuits (Tonietto & Carbonneau, 2004) et l’inde de fraicheur des nuits d’avant vendange (Comte et al., 2021). Les autres outils utilisés concernent des seuils climatiques critiques pour la viticulture. On a ainsi analysé les tendances futures du vignoble neuchâtelois à rencontrer des journées estivales où des températures élevées (Tmax>30°C) et très élevées (Tmax>35°C) sont atteintes. Ces seuils sont particulièrement problématiques pour la viticulture. Le risque de gel printanier a également fait l’objet d’analyses, comme les ravageurs viticoles. Pour ceux-ci des modèles spécifiques à l’eudémis et à la cicadelle de la vigne ont été utilisés.
Comte, V., Schneider, L., Calanca, P., and Rebetez, M. (2022) Effects of climate change on bioclimatic indices in vineyards along Lake Neuchatel, Switzerland. Theoretical and Applied Climatology, Vol. 147, Issue 1, Pages 423-436. https://doi.org/10.1007/s00704-021-03836-1.
Comte, V., Schneider, L., Calanca, P., Zufferey, V. and Rebetez, M. (2023) Future climatic conditions may threaten adaptation capacities for vineyards along Lake Neuchâtel, Switzerland. OENO One, Vol. 57, Issue 2, Pages 85-100. https://doi.org/10.20870/oeno-one.2023.57.2.7194.
Boyer, J. (2016) L’implication des acteurs de la recherche dans les processus d’adaptation au changement climatique: l’exemple des régions viticoles françaises. Innovations, 147-171.
Cartillier, S. 2018. Année viticole 2017. 1-15. Station viticole cantonale de Neuchâtel.
Croci-Maspoli, M., C. Schär, A. Fischer, K. Strassmann, S. Scherrer, C. Schwierz, R. Knutti, S. Kotlarski, J. Rajczak, E. Fischer & D. Bresch. 2018. CH2018 – Climate Scenarios for Switzerland – Technical Report. Zurich: National Centre for Climate Services.
de Cortazar Atauri, I. G., E. Duchêne, A. Destrac, G. Barbeau, L. De Resseguier, T. Lacombe, A. K. Parker, N. Saurin & C. Van Leeuwen (2016) Grapevine phenology in France: from past observations to future evolutions in the context of climate change. OENO One, 51, 115-126.
Huglin, P. & C. Schneider. 1998. Biologie et écologie de la vigne. Paris: TecDoc.
Pachauri, R. K., M. R. Allen, V. R. Barros, J. Broome, W. Cramer, R. Christ, J. A. Church, L. Clarke, Q. Dahe & P. Dasgupta. 2014. Climate change 2014: synthesis report. Contribution of Working Groups I, II and III to the fifth assessment report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. IPCC.
Pons, A., L. Allamy, A. Schüttler, D. Rauhut, C. Thibon & P. Darriet (2017) What is the expected impact of climate change on wine aroma compounds and their precursors in grape? OENO One, 51, 141-146.
Ramos Martín, M. C., G. V. Jones & J. Yuste (2018) Phenology of Tempranillo and Cabernet-Sauvignon varieties cultivated in the Ribera del Duero DO: observed variability and predictions under climate change scenarios. OENO One, 52, 31-44.
Station de mesure dans le vignoble, Auvernier. ©Valentin Comte
Cette étude porte sur les impacts des changements climatiques sur la viticulture dans la région de Neuchâtel. Elle analyse l’évolution de différents indicateurs bioclimatiques depuis les années 1970 jusqu’à la période actuelle. Elle trace également des perspectives jusqu’à la fin du XXIe siècle, en utilisant plusieurs scénarios climatiques. Ainsi, elle vise à servir de soutien pour adapter la viticulture face aux changements climatiques actuels et futurs.
Le vignoble neuchâtelois s’étend le long du littoral sur environ 600 hectares, et est composé majoritairement de Pinot noir (55%) et de Chasselas (27%). Dans le cadre de l’étude, 25 capteurs de température ont été placés dans le vignoble et au-dessus, afin de modéliser le climat local de façon précise.
Emplacement des vignes et des stations météorologiques utilisées pour le projet.
Température moyenne de la période végétative
Évolution de la température moyenne pendant la période végétative (avril-octobre) à la station MétéoSuisse de Neuchâtel, 1900-2020. Les conditions idéales pour le Pinot noir (PN) sont indiquées en rouge, et pour le Merlot (MN) en violet.
Indice de Huglin
Évolution de l’indice héliothermique de Huglin sur le littoral neuchâtelois entre (a) les années 1970 et (b) les années 2010.
Tendances future
Évolution de la température moyenne pendant la période végétative (GST) et l’indice de Huglin (HI) à la station MétéoSuisse de Neuchâtel entre 1970 et 2100. Pour la période 2021-2100, un scénario d’émissions modérées de gaz à effet de serre est présenté en vert (RCP4.5) et un scénario d’émissions élevées de gaz à effet de serre est présenté en rouge (RCP8.5).
Fortes chaleurs
Évolution du nombre de jours avec une température maximale au-dessus de 30°C (haut) et au-dessus de 35°C (bas) à la station MétéoSuisse de Neuchâtel entre 1970 et 2100. Pour la période 2021-2100, un scénario d’émissions modérées de gaz à effet de serre est présenté en vert (RCP4.5) et un scénario d’émissions élevées de gaz à effet de serre est présenté en rouge (RCP8.5).
Risque de gel printanier
Conclusions générales
Valentin COMTE
Geoffrey KLEIN
Martine REBETEZ
Léonard SCHNEIDER
Yann VITASSE