Honorary doctors

2023 - Pierre Tercier

Laudatio de M. Pierre Tercier, Dr h. c., Dies Academicus 2023

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Cher Professeur Tercier,

Fondamentalement, vous êtes littéraire, m’avez-vous confié. Vous aimez les mots, vous lisez beaucoup. Et si vous avez choisi le droit, c’est parce qu’à vos yeux, c’est aussi de la littérature. Ce sont les mots en action.

Les mots, comme professeur et orateur, vous en avez joué consciemment devant votre public et, en tant que chercheur, vous en avez mis beaucoup sur le papier.

C’est par un baccalauréat latin-grec au Collègue St-Michel à Fribourg qu’a débuté votre parcours. Puis, ce furent la licence en droit, le brevet d'avocat et le doctorat dans cette même ville dont vous dites qu’elle a été votre ancrage. Elle a été votre port d’attache, comme étudiant puis comme Professeur, alors que vous avez voyagé à Hambourg, puis Cambridge, puis Paris – où vous avez aussi enseigné et que vous appelez votre deuxième cité –, puis dans d’autres lieux encore.

L’enseignement, la recherche, l’arbitrage sont les trois activités phares qui vous ont occupé. Votre carrière, m’avez-vous dit, a fondamentalement été une carrière d’enseignant, que vous avez vécue comme un cadeau. Pour le contact avec les jeunes, mais aussi parce que vous aimez enseigner, expliquer, faire connaître. Ce cadeau, vous continuez à le faire vivre en cultivant des liens scientifiques et amicaux avec vos doctorantes et doctorants.

Expliquer clairement, c’est aussi ce qui a animé votre travail de chercheur. Vos publications, dans lesquelles vous avez touché tous les aspects du droit, ont ainsi été marquées par un sens de la synthèse qui a imprégné plusieurs générations de juristes de Suisse romande et au-delà. Je citerai notamment « La recherche et la rédaction juridique », « La responsabilité civile », « La partie générale du droit des obligations », « Les contrats spéciaux », « Le droit de la personnalité ». Plusieurs ouvrages continuent leur vie avec l’aide de successeurs, tandis que d’autres ont disparu prématurément, ce qui vous a un peu attristé. Dans un monde juridique toujours plus spécialisé, dans une vie aux 24 heures limitées, ce destin est compréhensible.

Car dans vos journées, il y a aussi eu vos fonctions auprès de la Commission suisse de la concurrence, les nombreuses semaines au service militaire jusqu’au grade de lieutenant-colonel, les avis de droit et, enfin, l’arbitrage commercial, où vous êtes encore très actif, et que vous aimez beaucoup. Dans cette mise en pratique du droit, on peut voir si ce qu’on a enseigné fonctionne ou non, et pourquoi. On y rencontre des gens de tous milieux – la rencontre, vous en avez toujours eu besoin. Et on y trouve des affaires extrêmement intéressantes et variées – de quoi satisfaire votre grande curiosité. Dans toutes ces activités, on vous connaît aussi un petit côté « colonel » que vous assumez.

Envers les anciens de notre Faculté, en particulier Jean-François Aubert, Jacques-Michel Grossen et Pierre Wessner, vous avez une profonde admiration. Vous avez aussi inspiré et participé à la première édition du Séminaire du droit du bail, fleuron de notre Faculté. Et aujourd’hui, vous entretenez des liens avec la nouvelle génération de Neuchâtel.

En jetant un coup d’oeil dans le rétroviseur, vous m’avez dit : « Je trouve que, comme profs, on a été trop sages. On n’a pas assez rué dans les brancards, avec ce qui n’allait pas. Le rôle du professeur n’est pas seulement de transmettre ce qui existe, mais aussi de le remettre en cause. Et je ne suis pas sûr qu’on l’ait toujours joué suffisamment. On était sages. » Auprès de cette jeune génération, je transmets le message !

Vous aimez les mots, vous aimez la musique aussi. Vous connaissez Brassens par coeur. Et vous adorez les arbres. Leur beauté. Leurs couleurs. Leur manière de vivre et de se renouveler. Le service qu’ils rendent dans les échanges. Auprès de votre arbre, je vous souhaite de vivre et de poursuivre heureux.

Un diplôme va maintenant vous être remis par notre recteur. On y lit :

L'Université de Neuchâtel, sur proposition de sa Faculté de droit, confère par les présentes, à Monsieur Pierre Tercier, Professeur émérite de l’Université de Fribourg, Président honoraire de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale à Paris, pour son rôle de pionnier dans le développement d'une didactique et d'une méthodologie juridiques suisses et pour sa contribution extraordinaire au développement et à la visibilité internationale du droit privé suisse, le grade de docteur en droit honoris causa.

Texte rédigé et prononcé le 4 novembre 2023 lors du Dies academicus

par Valérie Défago, doyenne

2021 - Malgosia Fitzmaurice

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Laudatio de Mme Malgosia Fitzmaurice, Dr h.c. Dies academicus 2021

La Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel a le très grand honneur et plaisir de célébrer la carrière académique de Madame la Professeure Malgosia Fitzmaurice, à laquelle elle a choisi d’attribuer le titre de Dr. honoris causa cette année.

Synthétiser son parcours n’est pas chose aisée.

Ses principaux domaines d'intérêt sont le droit des traités, le droit international des espaces et le droit international de l'environnement, avec un accent tout particulier sur la protection de l'environnement marin et de la biodiversité, la réglementation de la chasse aux baleines, la protection environnementale de la mer Baltique, ainsi que les droits des peuples autochtones, domaine dans lequel elle est une pionnière.

Professeure à la Queen Mary University à Londres, où elle enseigne le droit international public général, le droit des traités et le droit international de l'environnement depuis 1995, elle est également la Part-Time Nippon Foundation Professor of Marine Environment Protection à l'Institut de droit maritime international de l'Organisation Maritime Internationale et membre associée de l'Institut de Droit International.

Il s’agit de positions académiques et facultaires extrêmement prestigieuses, qui illustrent une très grande reconnaissance internationale plus que méritée !

La Professeure Fitzmaurice a commencé sa carrière comme chercheuse à La Haye, puis a rapidement mis ses connaissances en pratique en tant qu’assistante juridique au Tribunal des réclamations Iran-États-Unis créé suite à la crise des otages de 1979 entre ces deux pays.

Elle a été la première femme à obtenir la bourse du Conseil des Sciences des Pays-Bas, pour un projet de recherche sur la protection de l'environnement de la mer Baltique. En a résulté sa première monographie après sa thèse de doctorat rédigée en Pologne sur la prise de décision au sein des organisations internationales. Elle est passée ensuite par Amsterdam avant de rejoindre King’s College à Londres où, en 1992, notre professeur de droit de l’innovation Daniel Kraus, alors jeune étudiant, a été impressionné par son savoir et sa pédagogie fondée sur la discussion, en cercle, d’égal à égal entre la professeure, ses étudiantes et ses étudiants. Malgosia Fitzmaurice a également collaboré avec les universités de Berkeley, Paris 1 Sorbonne, Kobe, Varsovie et Wroclaw.

Ses travaux de recherche font référence et ont abouti en de nombreux ouvrages et articles de référence. Elle a aussi une intense activité de co-rédaction et de co-édition

Dans ses recherches, elle tisse des liens entre des branches comme le droit des traités et de la responsabilité étatique. Elle va même au-delà en établissant les relations entre la science et le droit, constatant que des conflits de valeurs peuvent mener à des conflits de normes. Malgosia Fitzmaurice comble ainsi des lacunes et réussit ce que peu de juristes arrivent à faire : atteindre un public qui va des spécialistes d’un domaine pointu jusqu’à des pêcheurs de baleines. Ce n’est pas pour rien que le British Yearbook of International Law a loué ses travaux en la qualifiant de « Thought-provoking ».

Madame la Professeure Fitzmaurice est également rédactrice en chef d'une série d’ouvrages de référence intitulée "Queen Mary Studies in International Law", rédactrice en chef de l'International Community Law Review, membre de la Commission du droit de l'environnement de l'Union internationale pour la conservation de la nature et membre du groupe de travail de l'Association de droit international sur l'interprétation des traités. Et ce ne sont que ses mandats les plus éminents.

Relevons finalement ses liens avec l’Université de Neuchâtel, dont elle a publié un, et bientôt deux ouvrages d’un de ses professeurs. Elle a aussi accueilli pour un séjour de recherche une doctorante dont la thèse sur l’exploitation des ressources génétiques marines hors juridiction nationale a fait date.

Au vu de tous ces accomplissements, notre recteur va lui remettre un doctorat honoris causa où il est écrit ceci :

« L’Université de Neuchâtel sur proposition de sa Faculté de droit confère par les présentes à Madame Malgosia Fitzmaurice, Professeure de droit public international,

Département de droit, Queen Mary University, Londres

pour ses accomplissements académiques en tant que professeure de droit et son rôle de pionnière dans l’avancement du droit des traités, du droit de l'environnement et du droit des populations indigènes,

Le grade de docteure en droit honoris causa. »
 

Neuchâtel, le 6 novembre 2021

Olivier Hari

Doyen et Professeur à la Faculté de droit

2020 - Jane C. Ginsburg

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Pionnière dans l’avancement de la recherche dans le droit de la propriété intellectuelle, Mme Jane Ginsburg est une sommité dans son domaine. Diplômée de l’Université de Chicago et de la Harvard Law School, elle est titulaire d’un doctorat en droit l'Université Panthéon-Assas de Paris. Elle a été, après ses études, adjointe au juge à la Cour d'appel des États-Unis pour le troisième circuit (Pennsylvanie, Delaware, New Jersey). Jane Ginsburg a travaillé pour l’American Law Institute et conseillé non seulement le gouvernement américain, mais aussi de nombreux autres États, autant dans des pays industrialisés qu’en développement.

Laudatio de Mme Jane C. Ginsburg, Dr h.c. Dies Academicus 2020

Madame Jane C. Ginsburg est une pionnière dans l'étude de la propriété intellectuelle, une scientifique mondialement renommée, et une professeure très appréciée aussi bien par ses étudiantes et étudiants que par ses pairs.

Elle est professeure de droit de la propriété littéraire et artistique de la chaire Morton L. Janklow et directrice du Kernochan Center for Law, Media and the Arts de l'Université de Columbia. Elle y enseigne la méthodologie juridique, le droit d'autrice et d’auteur américain et international ainsi que le droit des marques.

Elle a tracé sa propre voie jusqu'au sommet du monde académique.

Pour ce faire, elle a pu s'appuyer sur de solides études à l'Université de Chicago et à Harvard, où elle a obtenu le grade de Juris Doctor en 1980. Elle a poursuivi ses études à l'Université parisienne Panthéon Assas, au bénéfice de la prestigieuse bourse Fulbright. Elle a obtenu à Paris le Diplôme d'études approfondies en 1985 (D.E.A.) et son doctorat en 1995.

Jane C. Ginsburg a ensuite acquis une expérience inégalée comme greffière de la cour d’appel des Etats-Unis pour le juge fédéral Gibbons, puis dans une étude d'avocats de New York. Elle a rejoint l’Université de Columbia comme professeure associée puis titulaire, devenant une référence aux États-Unis et au niveau international.

La reconnaissance est venue naturellement, et a crû tout aussi rapidement.

Sans prétendre à l’exhaustivité, vu l’étendue de ses activités, nous mentionnerons qu'elle a été professeure à l'Université de Cambridge, titulaire de la chaire de sciences juridiques Arthur L. Goodhart et professeure à l’Emmanuel College. À la fin des années nonante, elle a été invitée par l'Académie de droit international de La Haye pour un cours visionnaire intitulé Law of Copyright in an Era of Technological Change.

Elle a aussi accompli un tour du monde académique la conduisant dans le désordre à Nantes, Toulouse, Paris, Cambridge, La Haye, New-York, Melbourne, Helsinki, Rome, Sydney, Jérusalem, Auckland ou encore Papeete.

Jane C. Ginsburg est l’autrice et la co-autrice de manuels de référence en droit de la propriété intellectuelle, en droit des marques, en droit d’autrice ou d’auteur et en méthodologie juridique. Elle a également publié de nombreux articles et chapitres de livres sur le droit national et international de la protection du droit d'autrice ou d’auteur et des marques.

Au sein de l'American Law Institute, elle a été co-rapporteure pour une étude sur les « Principes régissant la juridiction, l’élection de droit et les jugements dans les litiges transnationaux de propriété intellectuelle ». Elle est par ailleurs “Corresponding Fellow” de la British Academy, membre de l'American Philosophical Society, membre de l'American Academy of Arts and Sciences, membre honoraire de l'Emmanuel College de l’Université de Cambridge, et elle a été membre affiliée et résidente de l'American Academy à Rome. Jane C. Ginsburg est aussi vice-présidente de l’Association Littéraire et Artistique Internationale, dont le siège est à Paris et le but est de promouvoir et défendre les droits des autrices et des auteurs ; elle préside la section américaine.

En 2008, Jane C. Ginsburg a été intronisée au panthéon de la propriété intellectuelle en étant élue IP Hall of Fame inductee, décrite comme « A highly influential academic and teacher who has written some of the most important IP-related books of modern times », une phrase qui résume bien ses grandes qualités.

Elle s’est vu remettre en 2015 la prestigieuse distinction Mark T. Banner de la section de la propriété intellectuelle de l'American Bar Association.

Outre l'anglais, elle parle à la perfection l'espagnol, l'italien et le français. Sa maîtrise des langues a ainsi facilité ses nombreux voyages dans notre pays où elle s’est prise d’affection pour la culture romande.

Nous espérons qu'elle continuera à visiter aussi souvent que possible la Suisse dans les années à venir.

Madame Jane C. Ginsburg va à présent recevoir des mains de Mme Nathalie Tissot, vice-rectrice un diplôme sur lequel figurent les mots suivants :

(Texte du diplôme)

L'Université de Neuchâtel, sur proposition de sa Faculté de droit, confère par les présentes à Madame Jane C. Ginsburg, professeure de droit de la propriété littéraire et artistique, Columbia Law School.

Pour ses accomplissements académiques exceptionnels en tant que professeure de droit et son rôle de pionnière, mondialement reconnu, dans la recherche concernant le droit de la propriété intellectuelle,

le grade de docteure en droit honoris causa.

 

Olivier Hari,
Doyen et Professeur en Faculté de Droit

 

Neuchâtel, le 5 novembre 2021

Présentation vidéo

Dies academicus 2020

Années précédentes

  • 2019 - Annie Rochat Pauchard

     

    Licenciée en droit de l’UniNE, Annie Rochat Pauchard entame une carrière de juriste au sein de l’Administration fédérale des contributions. Elle participe dès 1993 aux travaux de mise en place de la TVA. En 1994, elle entre au service des Commissions fédérales de recours du Département fédéral des finances. En 2003, elle devient juriste fiscaliste dans divers cabinets spécialisés. Dès 2011, elle retrouve l’administration fédérale où elle dirige la Division Droit de la Division principale de la TVA et devient ainsi la première femme nommée à la tête d’une telle unité. Elle participe activement à la mise en œuvre de la nouvelle loi sur la TVA et à sa révision en 2018. En 2017, elle est élue juge à la Cour I du Tribunal administratif fédéral et occupe, depuis 2018, la fonction de vice-présidente de la chambre 2.

    Laudatio de Mme Annie Rochat Pauchard, Dr h. c. Dies Academicus 2019

     

    Chère Madame Rochat Pauchard,

    Vous m’avez raconté que c’était parce que Neuchâtel disposait d’une université publique accessible à tous que vous aviez pu faire des études supérieures. J’ai été enchanté de l’entendre. Depuis, vous êtes devenue la spécialiste de la TVA suisse. Quel parcours ! Au fil du temps, vous avez travaillé aux questions juridiques soulevées par la mise en place de cette taxe tant du côté administratif, que privé et judiciaire. Aujourd’hui, je suis très heureux et honoré de pouvoir vous adresser cette laudatio.

    Née aux Canaries, vous déménagez au Landeron à l’âge de huit ans. Vous débutez vos études à Neuchâtel, jusqu’à une maturité latin-langues, puis optez pour le droit à l’Université. La matière vous plaît, vous avez trouvé votre voie.

    En 1991, une annonce retient votre attention : « Si vous avez de l’intérêt pour le droit des obligations, ce poste est pour vous », énonce en substance le texte. Au téléphone, Monsieur Pascal Mollard vous informe que l’emploi concerne en fait « l’impôt sur le chiffre d’affaires ». « Pardon ? », demandez-vous. « Si si, c’est très intéressant ! Détrompez-vous, on fait beaucoup de droit des obligations. »

    Vous voilà donc engagée dans le droit fiscal comme juriste au sein de l’Administration fédérale des contributions, à Berne, où vous participez aux travaux législatifs de la TVA, adoptée en novembre 1993. Vous rédigez notamment la version française de l’Ordonnance fondée sur ce texte.

    En 1994, vous passez à l’instance supérieure comme secrétaire-juriste. Vous vous rendez à Lausanne, afin de mettre sur pied les Commissions fédérales de recours du Département fédéral des finances. C’est à nouveau un travail de pionnière, cette fois au niveau de l’activité judiciaire en matière de TVA.

    En 2003, vous faites un saut quantique et commencez à exercer en tant qu’avocate fiscaliste dans des cabinets spécialisés à Genève et à Lausanne où vous élargissez considérablement votre vision de la matière. En juillet 2010, vous concrétisez votre activité de praticienne dans le secteur privé en obtenant votre brevet d'avocat.

    En 2011, un nouveau carrefour se présente : Monsieur Gabriel Rumo, chef de la Division principale de la TVA, vous propose d’en diriger la Division Droit à Berne. Vous retrouvez ainsi l’administration fédérale et devenez la première femme nommée à la tête d’une telle unité. Vous participez activement à la mise en œuvre de la nouvelle LTVA et à sa révision, qui aboutira en 2018.

    En 2017, c’est une autre porte qui s’ouvre, vers le Tribunal administratif fédéral cette fois. Vous êtes élue juge à la Cour I du TAF à St-Gall, où vous occupez, depuis octobre 2018, la fonction de vice-présidente de la chambre 2. C’est un nouvel aboutissement.

    En tant qu’éclaireuse dans le domaine de la TVA, vous avez en outre été amenée à donner tôt des conférences sur le sujet, participant ainsi au débat scientifique. L’an dernier, c’est à la 9ème Assemblée de l'International Association of Tax Judges à Ottawa que vous avez été invitée à vous exprimer. Vous avez également rédigé des publications en allemand et en français. Je mentionnerai ici le volumineux « Droit fiscal suisse. La taxe sur la valeur ajoutée », paru en 2000 et co-écrit avec le Prof. Jean-Marc Rivier. Depuis 1997 déjà, vous collaborez en outre à la Revue de droit administratif et fiscal (RDAF) et, depuis fin 2017, vous êtes membre du comité de rédaction de la Revue des juges "Justice - Justiz - Giustizia".

    Enfin, vous aimez enseigner. Sur ce plan, je me réjouis tout particulièrement de la collaboration initiée cette année qui permettra à nos étudiants de Bachelor de bénéficier de vos connaissances en matière de TVA. Il faut dire que vous avez gardé de forts liens avec celle que vous appelez « votre Université ». Eh bien, Madame Rochat Pauchard, votre Université vous félicite aujourd’hui pour votre brillant parcours.

    Veuillez ainsi recevoir des mains de notre recteur ce doctorat honoris causa, qui comprend la mention suivante :

    L’Université de Neuchâtel, sur proposition de la Faculté de droit, confère par les présentes à Madame Annie Rochat Pauchard, Juge au Tribunal administratif fédéral,

    Pour son parcours de pionnière, ses accomplissements remarquables et sa connaissance hors norme du droit suisse de la TVA, tant dans la magistrature que dans l’administration et le secteur privé,

    le grade de docteure en droit honoris causa.

    Prof. Blaise Carron, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 2 novembre 2019

  • 2018 - Allan Rosas


    Allan Rosas est juge à la Cour de justice de l’Union européenne depuis 2002, ainsi que Professeur invité au Collège d’Europe (Bruges) et à l’Université d’Helsinki. Auparavant, il fut professeur de droit à l’Université de Turku (1978-1981) et à l’Åbo Akademi University (1981-1995) dont il dirigea l’Institut des droits humains (1985-1995). Parallèlement, il exerça de nombreuses missions comme conseiller ou expert pour le gouvernement finlandais, notamment dans des commissions parlementaires, ainsi qu'auprès des Nations unies, de l’Unesco, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l'Europe. Il rejoignit ensuite le Service juridique de la Commission européenne, dont il fut conseiller juridique principal chargé des relations extérieures (1995-2001), puis directeur général adjoint (2001-2002). Il est l’auteur de plus de 400 publications, principalement dans les domaines du droit de l’UE, du droit international, des droits de l’homme et droits fondamentaux, ainsi que du droit constitutionnel et administratif comparé.

    Laudatio de M. Allan Rosas, Dr h. c. Dies Academicus 2018

    Qu'est-ce qui fait un bon juriste ? La capacité, sans nul doute, de conjuguer habilement théorie et expérience pratique, celle de mener une réflexion approfondie tout en gardant un contact avec le terrain.

    Aujourd'hui, c'est à la fois une grande joie et un grand honneur pour moi de vous adresser cette laudatio, car vous constituez un exemple hors pair d'une telle réussite. Actuellement juge à la Cour de justice de l'Union européenne, vous êtes aussi un auteur reconnu en droit de l'Union et en droit international. Vous combinez de façon harmonieuse une connaissance théorique très poussée de votre domaine avec une riche expérience pratique.

    Votre carrière débute à l'Université de Turku/Åbo en Finlande. Docteur en droit en 1977 déjà, vous devenez professeur dans la Faculté en 1978 et, à partir de 1981, à la très prestigieuse Åbo Akademi, où vous travaillez jusqu'en 1996. Dans les années 1990, vous déménagez à Bruxelles à la Commission européenne, où vous oeuvrez dans votre domaine de prédilection, les relations extérieures de l'Union européenne, et devenez vice-directeur général du service juridique de la Commission.

    En 2002 ensuite, vous vous déplacez à nouveau, cette fois à Luxembourg, où vous devenez l'un des juges les plus connus de la Cour de justice de l'Union européenne. Vous participez à la discussion et à la délibération des cas phares de la Cour dans tous les domaines du droit de l'Union. Votre travail est reconnu par vos collègues, qui vous confient le poste de vice-président de la Cour.

    Monsieur Rosas, vous avez ainsi parcouru l'ensemble des sommets des institutions européennes, et ce toujours avec la plus grande distinction : délégué de votre pays natal, la Finlande, puis chef de l'équipe des relations extérieures au service juridique de la Commission européenne, à Bruxelles, et finalement juge et vice-président à la Cour de justice de l'Union européenne, à Luxembourg.

    Votre intérêt académique n'a pas souffert de votre mandat institutionnel. Vos nombreux articles et livres ont guidé des milliers d'étudiants et spécialistes de droit international. Vous continuez aujourd'hui à publier des ouvrages de référence : votre livre « The EU Constitutional Law », qui est est déjà à sa troisième édition, constitue la source principale d'inspiration pour toutes celles et ceux qui travaillent dans ce domaine.

    Oui, on peut dire de vous, Monsieur Rosas, que vous êtes une autorité en droit européen, dont vous êtes aussi l'un des serviteurs les plus fidèles. Transcendant monde académique et service public, vous avez influencé le processus d'intégration de l'Union européenne comme très peu de femmes et d'hommes, mettant votre expertise précieuse au service du fonctionnement et du développement du droit de celle-ci.

    En même temps, vous êtes un grand ami de notre Université, vous qui, au fil des ans, avez reçu plusieurs fois notre Faculté de droit et ses étudiants au Luxembourg.

    Aujourd'hui, nous vous accordons le titre que vous méritez depuis longtemps. C'est avec un grand plaisir que la Faculté a proposé au rectorat votre nomination et nous sommes ravis que l'Université ait accédé à notre demande.

    Veuillez ainsi recevoir des mains de notre recteur ce doctorat honoris causa, qui comprend la mention suivante :

    « L'Université de Neuchâtel, sur proposition de la Faculté de droit, confère par les présentes à Monsieur Allan Rosas, juge à la Cour de justice de l'Union européenne,

    Pour sa magnifique capacité à conjuguer réflexion doctrinale approfondie, activité judiciaire et pratique du droit européen ainsi que pour son engagement remarquable au sein des institutions de l'Union Européenne,

    le grade de docteur en droit honoris causa. »

    Blaise Carron
    Doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 3 novembre 2018

  • 2017 - William E. Kovacic

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    William E. Kovacic est professeur de droit de la concurrence à la George Washington University School of Law et professeur invité au King’s College London. Il a aussi été professeur à la George Mason University School of Law (1986-1999).

    En parallèle à son parcours académique, William E. Kovacic a été general counsel (2001-2004), membre (2006-2011) et président (2008-2009) de la Federal Trade Commission (FTC) aux Etats-Unis, agence où il avait débuté sa carrière de juriste (1979-1983). Hors de Washington D.C., il a été Vice-Chair for Outreach de l’International Competition Network (2009-2011). Il a conseillé plus de trente pays sur l’adoption d’actes législatifs en matière de concurrence, de protection des consommateurs et de marchés publics. Depuis 2013, il officie comme Non-Executive Director de l’autorité britannique de surveillance de la concurrence et des marchés.

    Co-éditeur du Journal of Antitrust Enforcement et auteur prolixe, le professeur Kovacic est un chercheur de renommée mondiale dans le domaine du droit et de la politique de concurrence. Sa  carrière a été récompensée en 2011 par le FTC’s Miles W. Kirkpatrick Award for Lifetime Achievement.

    Laudatio de M. William E. Kovacic, Dr h. c. Dies academicus 2017

    Le professeur William Kovacic est l’un des plus éminents artisans de la globalisation du droit de la concurrence, à laquelle il a consacré sa carrière académique et gouvernementale. Le titre de sa chaire à l’Université George Washington, ‘Global Competition Professor of Law and Policy’, cristallise son parcours en forme de triptyque.

    1. Professor of Competition Law
    Le premier volet est celui de la carrière académique. William Kovacic a été happé par le champ gravitationnel du droit de la concurrence lorsque, étudiant à Columbia Law School, il y suivit un cours de droit antitrust. Déjà intéressé à l’économie, à l’histoire, aux sciences politiques et aux affaires internationales après sa première formation à Princeton, il a trouvé dans la concurrence son propre ‘safe harbour’. Durant ses études, il a pris une année de congé pour travailler comme assistant de recherche auprès du ‘Antitrust and Monopoly Subcommittee’ du Sénat américain, présidé par Philip Hart. Il y travailla sur une législation adoptée en 1976 sous le titre de Hart-Scott-Rodino Antitrust Improvements Act (HSR Act), qui introduisit le contrôle préalable des concentrations d’entreprises. Jeune avocat, il revient rapidement travailler pour la Federal Trade Commission (FTC), l’une des deux autorités de concurrence américaines, où il met en oeuvre le HSR Act et rencontre son épouse, Kathy Fenton, aujourd’hui avocate associée auprès d’une grande étude d’avocats et spécialiste du droit antitrust. C’est le début d’une carrière dédiée au droit de la concurrence, tantôt au sein du monde académique, tantôt pour le gouvernement.

    William Kovacic est professeur de droit de la concurrence, et précédemment aussi de droit des marchés publics. Il l’a été à l’Université George Mason de 1986 à 1999 et à l’American University de 1994 à 1995, avant de rejoindre l’Université George Washington en 1999. Egalement professeur invité au King’s College London – institution avec laquelle la Faculté de droit de Neuchâtel offre un double Master of Law –, visiting scholar à l’Université de Melbourne et à celle de Nottingham, M. Kovacic compte un grand nombre d’étudiants répartis dans le monde entier. Il accorde aussi généreusement son soutien aux jeunes chercheurs en début de carrière, notamment en participant à des jurys de thèse sur des thèmes qui lui sont chers. William Kovacic est un auteur prolixe, dont les écrits promeuvent le renforcement mutuel des droits de la concurrence et de la protection des consommateurs.

    2. Professor of Law and Policy
    Le 2e volet du triptyque est celui d’une carrière publique. Dans la tradition américaine des ‘revolving doors’, le professeur Kovacic s’éloigne de l’académie pour rejoindre à nouveau la Federal Trade Commission dès 2001. Il sera tour à tour directeur du service juridique (‘General Counsel’), puis Commissaire et enfin Président (‘Chairman’) de la FTC. Il promeut le droit de la concurrence comme une entreprise bipartisane, dont la légitimité nécessite une mise en oeuvre conséquente et progressive, plutôt que des ruptures abruptes résultant des changements de leadership politique. Architecte du consensus sur les questions de fond, le professeur Kovacic fait montre d’une vertu très suisse. Durant une dizaine d’années, il marque aussi la dynamique institutionnelle de l’agence d’une empreinte durable. Améliorer le fonctionnement, les processus et rouages internes de la FTC permet à l’autorité de concurrence de produire de meilleurs résultats dans ses interventions. A son départ en 2011, il est honoré par l’octroi du FTC’s Miles W. Kirkpatrick Award for Lifetime Achievement. Ce n’est là qu’une des nombreuses distinctions qui ont été décernées à ce juriste exceptionnel.

    La double carrière, académique et gouvernementale, du professeur Kovacic est le produit d’une fertilisation croisée réussie. Tandis que le chercheur poursuit une réflexion systématique sur le développement du droit de la concurrence et contribue au débat d’idées sur les questions nouvelles, l’agent public bénéficie de ces idées au moment de la mise en oeuvre du droit, tout en suggérant au travers des décisions adoptées de nouveaux thèmes de recherche scientifique.

    3. Global Competition
    Le 3e volet du triptyque est celui de l’entrepreneur international. Washington n’a été que le centre du rayonnement international de William Kovacic. Dès 2001, il a fait oeuvre de pionnier dans la mise sur pied de l’International Competition Network (ICN), un réseau qui regroupe aujourd’hui les autorités nationales de concurrence du monde entier ainsi que les acteurs non gouvernementaux. M. Kovacic y occupa la fonction de Vice-Chair for Outreach de 2009 à 2011. Nos chemins se croisèrent ainsi lorsque la petite Commission de la concurrence suisse dont j’étais membre, organisa la conférence annuelle de l’ICN en 2009 à Zurich. Au travers d’échanges réguliers, l’International Competition Network promeut l’adoption volontaire de bonnes pratiques et de bonnes techniques de mise en oeuvre par les autorités de concurrence. Le professeur Kovacic est un moteur de la globalisation du droit de la concurrence, mais une globalisation basée sur la convergence et le consensus, plutôt que sur l’harmonisation. Dans un monde où de nouvelles technologies apparaissent, où l’économie et les marchés évoluent, et où les priorités politiques changent, le droit de la concurrence doit conserver une capacité d’adaptation constante.

    Redevenu professeur à George Washington University après sa décennie à la FTC, le professeur Kovacic n’a pas abandonné son bâton de pèlerin. Globetrotter infatigable, il a apporté son assistance technique à plus de trente pays et autorités de concurrence autour du monde. Directeur du GWU Competition Law Center, il a lancé, en joint venture avec le Oxford Competition Law Center du Professeur Ariel Ezrachi, le Journal of Antitrust Enforcement. Un pied dans les deux mondes, ancien et nouveau, mais aussi académique et gouvernemental, le professeur Kovacic est, depuis 2013, Non-Executive Director au sein de l’autorité de concurrence britannique, la Competition and Markets Authority (CMA).

    M. Kovacic, c’est pour moi un privilège et un grand honneur de participer à cette cérémonie du dies academicus lors de laquelle vous recevrez le doctorat honoris causa que l’Université de Neuchâtel a le plaisir de vous remettre.

    Pionnier de la globalisation du droit de la concurrence, mais opposé au ‘one size fits all’, vous défendez la flexibilité pour laisser aux autorités de concurrence la capacité d’expérimenter et de développer de nouvelles pratiques dans un monde en mutation rapide. Le thème de ce dies academicus, consacré à « Préparer la société 4.0 », était taillé sur mesure pour vous.
    Votre parcours est hors du commun. Au-delà de l’apport scientifique considérable et d’une carrière publique exceptionnelle, vous avez oeuvré inlassablement pour la collaboration internationale dans le droit et la politique de concurrence. Dans ce pays qui fut la patrie des cartels, puissiez-vous encore inspirer de nombreux followers.

    Evelyne Clerc
    Doyen de la Faculté de droit

    Discours de remerciement au nom des récipiendaires de M. William E. Kovacic

    Out of the Tunnel

    Mr. President of the University Council,
    Mr. Rector, Deans, Faculty Members, students, and guests,

    On behalf of my fellow recipients of the doctorate honoris causa, I thank this wonderful university community for bestowing this distinction upon us. We are most grateful for this honor, and we are deeply moved by your generosity and kindness.

    My remarks today are mainly an address about a university address. To get there, I begin with one of the most famous train journeys in fiction. Sixty-five years ago, Friedrich Durrenmatt moved to Neuchatel and published his short story, The Tunnel. This masterpiece tells the tale of an aimless young man who on a Sunday afternoon boards a train for Zurich to continue, as Durrenmatt says, a nebulous course of study and attend a seminar he already had decided to cut. The protagonist strives to shield himself from his surroundings. He is well-padded with fat; an Ormand Brasil Number 10 cigar usually fills his mouth; cotton wads plug his ears, and sunglasses shield his eyes. Soon after he embarks, the train enters what is known to be a short tunnel, but the train never emerges. As the train rushes further into the darkness, the young man senses something is wrong. He persuades the conductor to accompany him to the front of the train to see the engineer. When they reach the locomotive, it is empty. The train speeds into the abyss, flinging the conductor and the young man around the locomotive cabin. The force of the descent rips away the young man buffers: the sunglasses, the cigar, and the cotton wads. The conductor shouts, “What shall we do?” The story closes with the young man’s one word reply: “Nothing.”

    The Tunnel has fascinated readers for decades with its portrayal of humans in the grasp of unexpected, bewildering forces that shatter ordinary routines and throw everything into disarray. Durrenmatt’s work endures because he vividly captured the disorientation and helplessness of individuals in a world where, with increasing speed, current events take on the absurdist quality that permeates The Tunnel. The modern world robs our previously reliable timetables and routines of their meaning; it peels away the mental and emotional devices we create to cushion the blow of change. Deprived of these buffers, we confront the possibility that events are beyond our control.

    How can we respond today to the upheaval and tumult that surrounds us? At times it appears that we are being flung about the cabin of a locomotive whose engineer is missing, and whose destination could be oblivion. In The Tunnel, the conductor asked, “What shall we do?” and the young man said “Nothing.” Was his gloomy response an expression of undue fatalism, or a frightening, accurate realism?

    This brings me to the earlier university address. The occasion was 75 years ago on a June afternoon at Harvard University. At its annual commencement exercises, Harvard conferred honorary degrees. One recipient was George Marshall, the U.S. Secretary of State. The honorees were invited to offer remarks. The safe and standard fare for these comments consists of soothing and swiftly forgotten platitudes for the new graduates. In a twelve-minute address, Marshall departed from the norm. His talk changed the course of history in the 20th century and beyond.

    Marshall was a mundane orator. In the recording of his address, the delivery is so bland that it masks the significance of what he had to say. As Marshall began his speech, he seemed overwhelmed that Harvard would bestow honors upon him. Marshall was exceedingly modest. He doubted that his life’s achievements – including his indispensable contributions to the Allies’ triumph in World War II – warranted Harvard’s recognition.

    Marshall immediately took a serious turn. He described the human misery that afflicted Europe and detailed how its shattered economies could not satisfy the most basic human needs for clothing, food, and shelter. An unthinkable disintegration of society awaited a continent already battered by years of savagery and slaughter. Marshall recently had toured Europe and saw first-hand the crisis. He told his audience that “it is virtually impossible at this distance, merely by reading, or listening, or even seeing photographs or motion pictures, to grasp at the real significance of the situation.”

    After laying out the fast decaying conditions in Europe, Marshall made clear what was at stake. He said: “the whole world of the future hangs on a proper judgment” about how to proceed. To the conductor’s question, “What shall we do?”, Marshall said the United States had the means and the duty to provide assistance. “The remedy”, Marshall said, “lies in breaking the vicious cycle and restoring the confidence of the European people in the economic future of their own countries and of Europe as a whole.” He went on to observe: “An essential part of any successful action on the part of the United States is an understanding on the part of the people of America of the character of the problem and the remedies to be applied. Political passion and prejudice should have no part. With foresight and a willingness on the part of our people to face up to the vast responsibility which history has clearly placed upon our country, the difficulties I have outlined can and will be overcome.”

    So began the public revelation of the Marshall Plan. In the run-up to the Harvard speech, some of Marshall’s colleagues had discouraged him from using a university commencement exercised to launch a major public policy initiative. Some asked: “Who ever listens to the graduation speeches, or recalls what was said?” Marshall replied: “They will remember this one.”

    In the months that followed, Marshall appeared several times before committees of the United States Congress to provide details of the program for European recovery. He faced an isolationist Congress with little appetite for new, costly foreign policy commitments. Marshall did nothing to sugar-coat his prescriptions for the skeptical legislators: the program would be expensive; it would take a long time; and there was no guarantee of success. He restated the themes he had set out at Harvard: the European situation was desperate; the human suffering was terrible; and only one country had the means to avoid an apocalypse that, should it occur, would be as catastrophic as the war itself. Marshall emphasized that, if the sole question was the economic self-interest of the United States, the program still demanded approval because calamity in Europe would endanger America’s well-being. In effect, Marshall confronted a modified version of the conductor’s question: What shall we do to arrest Europe’s plunge into the abyss? Many elected officials were inclined to say “nothing.” Marshall responded: “Plenty.”

    Taken together, the short story by one of Neuchatel’s most famous residents and the short university address by an American statesman offer a way to think about our own condition, where the speed and direction of events, with unwelcome surprises and dangerous portents, sometimes resemble Durrenmatt’s journey into the endless tunnel. One theme implicit in The Tunnel and explicit in the university address is the need to confront developments as they are. Durrenmatt suggests that, sooner or later, our defenses are peeled away, and we forced to face the world as it is, no matter how absurd it seems to be. Marshall told his Harvard audience that an unflinching comprehension of the causes and extent of disintegration was not only inevitable, but also essential to start the journey toward a constructive response that promised any possibility of success. Marshall not only pleaded for a clear-eyed recognition of the imminent disaster, but he was honest in setting out what it would take to spur a recovery. He demanded realism in understanding the problem and in estimating what it would take to devise a solution. He had faith that an honest portrayal of existing circumstances and a candid presentation of proposed cures would rally a nation to do what it must. That he proved to be correct shows that it can be done, and that, with courage and intelligence, can be done again.

    Candor and realism have value, but do they elicit an appropriate response to crisis? The conclusion of Durrenmatt’s short story poses a disturbing possibility: do stark and difficult problems, when understood with perfect clarity and without self-delusion, sometimes defy correction – where the only sensible response to the conductor’s query is to answer, “Nothing”? Marshall’s response to the conductor’s question displayed the realism of Durrenmatt’s young man, but his full reply in the Harvard address added doses of ambition, hope, and obligation. The ambition stemmed from an awareness of what would be lost through resignation and inaction – in Marshall’s words, “the whole world of the future”. The ambition reflected the knowledge that the United States could bring formidable economic resources and ingenuity to bear upon the problem. Marshall’s hope drew heavily on the fresh recollection that a world, which seemed in 1941-1942 to be descending, perhaps irretrievably, into an abyss of tyranny and destruction, had been rescued. Marshall understood that a response that combined courage, creativity, perseverance, and sacrifice, even in the bleakest circumstances, could prevail. Marshall’s appeal to obligation recognized that individuals are able to comprehend, at some basic level and even for a fleeting moment, that the sacrifices of others and the benefits of prosperity create duties that must be fulfilled. Marshall reminded his countrymen that their nation, and other nations, had paid a frightful price to preserve the possibility for a better world. To ignore Europe’s distress would dishonor a commitment paid in blood. He emphasized that the United States, which had been spared the ravages of total war within its own borders in North America and was buoyed by extraordinary economic capacity and resilience, alone had the means to spur economic recovery. The debt to the war dead and the possession of means for restoration created duties to use these means to act. Marshall did not guarantee success; he said there was a duty to try. There would be no shame in failure, only in complacency and neglect.

    As we progress on our own turbulent and disorienting journey, The Tunnel and the Harvard address admonish us to examine ourselves carefully – to assess our circumstances as they are and to avoid the distortions created by filters that we use, by choice or inadvertence, to bend facts to conform to an image we find more pleasing. The Harvard address goes further and urges us to mark our possibilities for greatness – not in the expectation that even our best efforts will always realize these possibilities, but that a decision to do nothing ensures failure. Inaction cheats us by denying us the opportunity to see what happens – to surprise ourselves – when we strive for the fullest expression of our human mix of ability, ambition, resilience, and resourcefulness. In doing so, we can be inspired by our understanding of how these traits – combined with perseverance – have enabled us in the past to overcome appalling conditions that invite despair.

    In The Tunnel, the conductor asked: “What shall we do?” The young man replied: “Nothing.” Marshall’s university address suggests there is another option: we can examine ourselves, see our path to greatness, and let nothing deflect us from it. This mix of realism and ambition can provide a path away from the abyss. It can guide us out of the tunnel.

    William E. Kovacic

  • 2016 - Florence Aubry Girardin

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    Après des études de droit à Neuchâtel suivies d'un brevet d'avocat à Genève, Mme Florence Aubry Girardin a obtenu son doctorat en 1995 à l'Université de Genève, tout en y assurant une charge d'enseignement. Engagée comme greffière au Tribunal fédéral, elle a présidé la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-accidents de 1996 à 2006, puis est devenue juge au Tribunal administratif fédéral. En 2008, elle a été élue juge au Tribunal fédéral, à la deuxième Cour de droit public. Spécialiste du droit du travail, Mme Florence Aubry Girardin collabore étroitement avec le Centre d'étude des relations du travail de l'Université de Neuchâtel (CERT). Auteure de nombreuses publications sur des thèmes de sécurité sociale, égalité, droit des migrations, droit pénal, droit public économique ou droit fiscal ainsi que sur la procédure fédérale, elle est également membre du jury de la Swiss Moot Court, vice-présidente du Comité de la Fondation Walther Hug et membre du Conseil de l'Institut suisse de droit comparé.

    Laudatio de Mme Florence Aubry Girardin, Dr h. c. Dies Academicus 2016

    Pour rédiger une laudatio, nous guettons un signe venant des filles de Mnémosyne. Nous interpellons Polymnie. Mais, parfois, contre toute attente, c’est Fortuna qui, le temps d’un regard, nous oriente vers ces coïncidences si révélatrices du travail et de l’engagement d’une personne. Je me demande si ce n’est pas ce qui m’est arrivé lorsque j’ai fait le lien entre la dernière publication et la dernière conférence de Mme la Juge fédérale Florence Aubry Girardin, en 2016, et dont voici le titre : Les problèmes qui se posent aux juges lors de l'application de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes.

    Je pense que nous pouvons trouver dans cet intitulé l’essentiel de ce qui nous vaut la présence de Mme Florence Aubry Girardin parmi nous, aujourd’hui.

    D’abord, Mme Florence Aubry Girardin est une Juge fédérale. Et quel parcours pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui : Juge à la Cour suprême de notre pays ! En effet, née le 10 mai 1964, originaire du Noirmont et du Bémont (JU), mariée et mère deux enfants (aujourd’hui majeurs), Mme Florence Aubry Girardin a accompli, de 1983 à 1987, ses études de droit au sein de notre Alma mater. Après son brevet d’avocate à Genève, son diplôme d’études supérieures, son doctorat et une année d’activité en qualité de chargée d’enseignement, à l’Université de Genève, elle a travaillé pendant un peu plus de dix années comme Greffière au Tribunal fédéral. En parallèle à ce travail, elle était Présidente de la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-accidents (de 1996 à 2006), Juge auprès de la Commission de recours du Tribunal fédéral (2002-2005) et Juge au Tribunal neutre du canton de Vaud (2005-2006). C’est en 2007 qu’elle a été élue, d’abord comme Juge au Tribunal administratif fédéral puis couronnement suprême, le 3 octobre 2007, en qualité de Juge au Tribunal fédéral. Voilà pour la Juge fédérale.

    Ensuite, Mme Aubry Girardin est une Juge fédérale qui s’interroge sur des problèmes de son temps. Et on sait (ô) combien sa contribution va au-delà de cette question si essentielle de l’égalité entre femmes et hommes. De mémoire de juriste, on n'a jamais vu une personne qui se meut avec une telle aisance et élégance dans les différents territoires du droit : la procédure, le droit social, le droit pénal, le droit fiscal ou encore le droit de la concurrence et celui des marchés publics. A bien des égards, l’approche globale et rigoureuse du droit de Mme Florence Aubry Girardin lui vaut l’admiration de tous.

    En troisième lieu, le titre de la publication et conférence évoqué plus haut révèle une autre dimension de la personne que nous honorons aujourd’hui : Mme Aubry Girardin, non seulement dit le droit comme Juge fédérale, mais elle publie et donne des conférences, en Suisse et à l’étranger. Elle entretient des liens étroits avec notre faculté. Elle a participé à une rencontre organisée par l’Association neuchâteloise des étudiants en droit ou encore à des colloques organisés par nos professeurs, en droit des personnes étrangères et en droit de l’égalité entre femmes et hommes. Par ses publications et conférences, Mme Florence Aubry Girardin se met au service de la société civile. Elle se fait proche des gens. Et Dieu sait si, de nos jours, cette proximité contribue, de façon décisive, à préserver la confiance que les uns et les autres ont à l’égard de nos institutions.

    Mme Florence Aubry Girardin, c’est pour moi un privilège et un grand honneur de participer à cette cérémonie du dies academicus lors de laquelle vous recevrez le doctorat honoris causa que l’Université de Neuchâtel a le plaisir de vous remettre.

    Je tiens à vous exprimer toute notre reconnaissance pour les liens que vous avez su si admirablement tisser entre le travail judiciaire, la réflexion doctrinale et la pratique du droit, ainsi que pour votre engagement exemplaire en faveur du partage du savoir.

    J’ai cherché dans la mythologie pour savoir s’il existe une déesse du lien. Je n’ai rien trouvé. Mais peu importe. Vous êtes là. Vous incarnez le travail du lien. Et cela me suffit amplement.

    Merci de la personne vous êtes et de ce que vous faites.

    Prof. Minh Son Nguyen, assesseur du Décanat de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 29 octobre 2016

  • 2015 - James Richard Crawford

    M. James Crawford AC, SC, FBA est juge à la Cour internationale de justice. Durant sa carrière, il a occupé la chaire Whewell de droit international à l'Université de Cambridge, et il a été professeur aux Universités D'adelaide, Sydney et La Trobe (Melbourne) en Australie ainsi qu'à l'Université de Xi'an Jiotong en Chine. Il a été le premier membre australien de la Commission du droit international des Nations Unies (CDI). A ce titre, il était responsable des travaux de la CDI sur la Cour pénale internationale et de la seconde lecture des articles sur la responsabilité des Etats. En plus de ses contributions scientifiques sur l'Etat, les droits collectifs, le droit d'investissement et la responsabilité internationale, il a agi en tant que conseiller, expert ou arbitre dans plus de 100 litiges. En 2012, l'American Society of International Law lui a décerné sa plus haute distinction, la Médaille Hudson, en récompense de ses compétences scientifiques et ses efforts visant à promouvoir des relations internationales basées sur le droit et la justice.

    Laudatio de M. James Richard Crawford, Dr h. c. Dies Academicus 2015

    Le professeur James Richard Crawford est né en 1948 à Adelaide en Australie.

    Comme beaucoup de juristes de tradition anglo-américaine, le professeur Crawford porte derrière son nom toute une série de titres parfois difficilement déchiffrables pour les juristes continentaux. En l’occurrence, il s’agit de «A.C.», de «S.C.» et de «F.B.A.».
    ·               «A.C.» signifie «Companion of the Order of Australia », titre qui distingue une personne pour ses mérites extraordinaires dans ses services rendus à l’Australie et à l’humanité toute entière. Le professeur Crawford a reçu cette distinction en 2013.
    ·               «S.C.» est l’abréviation de «Senior Counsel», c’est-à-dire avocat principal, en l’occurrence à la Cour suprême de New South Wales, depuis 1997.
    ·               «F.B.A.» (et non pas «FBI»!) veut dire «Fellow of the British Academy », une distinction que l’Académie accorde à des scientifiques pour leur excellence dans les sciences humaines.
     
    Avant de recevoir ces honneurs et distinctions, le professeur Crawford a fait des études d’anglais, d’histoire et de politique à l’Université d’Adelaide et un doctorat en philosophie à l’Université d’Oxford.
    M. Crawford est professeur de droit international. Il l’a été à l’Université d’Adelaide de 1983 à 1986, à l’Université de Sydney de 1986 à 1992, à l’Université de Cambridge de 1992 à 2015, à l’Université de La Trobe à Melbourne de 2011 à 2014 et à l’Université de Xi’an Jiaotong en Chine depuis 2013.
     
    Le professeur Crawford a aussi participé à des projets législatifs d’importance planétaire. Il a ainsi été le premier membre australien de la Commission du droit international des Nations Unies. En cette qualité, il a été responsable des travaux relatifs à la création de la Cour pénale internationale (1994) et aux articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (2001). Ces deux projets législatifs avaient été discutés pendant des décennies au sein des Nations Unies. C’est seulement sous la responsabilité du professeur James Crawford que ces projets ont pu être finalisés et par la suite adoptés sous forme de résolutions par les Nations Unies.
     
    A côté de ses activités de professeur et de législateur, M. Crawford est également admis comme avocat en Angleterre, plus précisément en tant que membre du Gray’s Inn, qui est une des quatre associations professionnelles d’avocats à Londres. Il est également un membre fondateur de Matrix Chambers, une étude d’avocats étant rattachée au Gray’s Inn.
    En tant que conseil, témoin expert, juge et arbitre, il a été impliqué dans plus de 100 affaires. Il a notamment plaidé à maintes reprises devant la Cour internationale de Justice dans des affaires politiquement très sensibles comme celle qui a opposé la Croatie à la Serbie relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du génocide, l’affaire des essais nucléaires entre la Nouvelle-Zélande et la France ou encore l’affaire des conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé.
     
    M. Crawford, c’est pour moi un privilège et un grand honneur de participer à cette cérémonie du dies academicus lors de laquelle vous recevrez le doctorat honoris causa que l’Université de Neuchâtel a le plaisir de vous remettre.
     
    Cedies academicus a comme thème général «Les défis de la diversité». Qui mieux que vous pourrait incarner ce sujet ? La diversité entre Etats amène certains d’entre eux à commettre des crimes contre d’autres. En l’absence d’un gouvernement mondial, seul le droit international public permet d’appréhender ces crimes et ainsi de relever les défis de la diversité au niveau mondial. C’est précisément sur ce point que votre engagement et votre œuvre représentent une valeur inestimable pour l’humanité toute entière !
     
    Christoph Müller,
    Doyen de la Faculté de droit
     
    Neuchâtel, le 18 août 2015
  • 2014 - Didier Burkhalter et Thomas Björn Zeltner

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    Président de la Confédération pour l'année 2014, M. le Conseiller fédéral Didier Burkhalter est diplômé de la Faculté de droit et des sciences économiques de l'Université de Neuchâtel. Après ses études, il devient rédacteur économique avant de se consacrer à la politique dont il gravit tous les échelons. Il accède au secrétariat cantonal puis au secrétariat romand du parti radical et est élu député au Grand Conseil et membre du Conseil exécutif de la Ville de Neuchâtel dont il assume la présidence à trois reprises entre 1994 et 2002. Conseiller national à partir de 2003, puis Conseiller aux Etats en 2007, il succède en 2009 à Pascal Couchepin au Conseil fédéral. Il prend tout d'abord la direction du Département fédéral de l'intérieur (DFI), puis celle du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) depuis 2012. En 2014, en sa qualité de chef du DFAE, il assume aussi la présidence de l'OSCE.

    Laudatio de M. Didier Burkhalter, Dr h. c. Dies Academicus 2014

    Il y a un peu plus de trente ans, un jeune et brillant diplômé de la Faculté de droit et de sciences économiques de l'Université de Neuchâtel faisait une entrée discrète sur le marché du travail. Passionné par les questions économiques et politiques, il cherche tout d'abord à parfaire ses connaissances linguistiques, puis exerce ses talents de rédacteur à la Société pour le développement de l'économie suisse à Genève. Il accède ensuite au secrétariat cantonal du parti radical en 1986, puis au secrétariat romand en 1988, tout d'abord à mi-temps, puis à plein temps. La mise en jambe étant alors terminée, Didier Burkhalter va pouvoir passer à la vitesse supérieure. Et comme tous ceux qui l'ont croisé sur un terrain de football pourront vous le confirmer, les accélérations, ça le connaît !

    C'est tout d'abord un parcours exemplaire sur le plan cantonal. Député au Grand Conseil et membre du Conseil exécutif de la Ville de Neuchâtel, dont il assume la présidence à trois reprises entre 1994 et 2002, il s'acquitte avec maestria des tâches qui lui sont confiées. Alliant le calme à la détermination, il s'attele à des dossiers complexes, tels que la rénovation de la gare, l'Exposition nationale, le nouvel hôpital ou le complexe de la Maladière. Il sait écouter, analyser, trancher et mettre en oeuvre avec une grande efficacité.

    Les qualités de cet homme de réflexion et d'action deviendront vite reconnues au-delà de nos frontières, qu'elles soient cantonales ou fédérales. Conseiller national à partir de 2003, puis Conseiller aux Etats en 2007, il réplique avec brio le sans faute au niveau fédéral. Son engagement, sa finesse d'analyse et sa vocation de rassembleur en font un candidat idéal pour succéder à Pascal Couchepin lorsque ce dernier prend sa retraite politiquer en 2009. Il prend tout d'abord la direction du Département fédéral de l'intérieur, de 2009 à 2011, puis celle du Département fédéral des affaires étrangères à partir de 2012.

    Il assume pour la première fois la présidence de la Confédération helvétique en janvier 2014, conjointement avec celle de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Les défis sont énormes, mais comme on l'aura compris Didier Burkhalter n'est pas homme à baisser les bras, et cela fait plus de trente ans qu'il s'y prépare. Là encore, l'énergie, les compétences et le pragmatisme de notre jeune diplômé devenu homme d'Etat font merveille. Avec flegme et courtoisie, il s'ouvre à l'autre, explique autant qu'il cherche à convaincre, et tente toujours de proposer des solutions équilibrées et conformes aux règles du droit national et international.

    Nul doute que la trajectoire de cette étoile montante de la politique suisse et internationale ne s'arrêtera pas là. Cela rend d'autant plus remarquable, et pour tou dire exceptionnelle, sa présence parmi nous aujourd'hui. Cela en dit aussi long sur les qualités de l'homme, et les valeurs qu'il défend. Car si Didier Burkhalter peut si sereinement faire face aux tourmentes de la politique étrangère, c'est que ses racines sont solides et profondes. Elles se sont fortifiées au travers des multiples responsabilités qu'il a assumées au cours des trois dernières décennies, et qui lui ont valu la confiance des électeurs, l'estime de ses collègues et le respect de ses adversaires. Profondément épris des valeurs et des contraintes dérivant de la démocratie directe, il les défend avec naturel et conviction, tel le sang qui coule dans le corps des Helvètes, ainsi qu'il l'a si judicieusement fait remarquer à son homologue allemand lors de la visite officielle de ce dernier en février 2014.

    C'est aussi un homme authentiquement discret. Toujours mesuré, précis et pondéré, il excelle tout en restant modeste, ce qui a le don d'agacer ceux qui aimeraient tant le voir déraper un jour, ou dévoiler des aspects moins lisses de sa personnalité. Cela peut le faire paraître parfois un peu terne aux yeus de certains. Mais pour tous ceux qui prennent le temps de le lire ou de l'écouter attentivement ce ne sont que des preuves additionnelles, si besoin était, de la sincérité et de la profondeur de son action.

    Revenons pour conclure à ce jeune homme qu'il a été et qu'il demeure dans l'âme, et aux liens qui l'unissent à notre alma mater. Il a gardé de ses études de vibrants souvenirs, qui l'ont persuadé de l'importance et de la chance que constitue une éducation universitaire dans un itinéraire de vie. Tout comme son humilité, son intérêt pour les nouvelles générations et pour la qualité de leur formation est profondément sincère. Il découle d'une analyse raisonnée des facteurs qui importent le plus pour assurer la qualité de vie des citoyens de notre pays. Ses liens avec l'Université de Neuchâtel sont donc étroits. Ses propres enfants ont étudié dans nos murs, et il nous a aussi fait l'honneur et l'amitié d'allocutions très suivies lors du Dies Academicus 2010 et de la remise des diplômes de la FSE en 2008. A l'occasion de cette dernière, il nous a livré son témoignage personnel sur les sentiments contradictoires qui animent celui qui vient de terminer ses études. Se rappelant de ce passage délicat, où la sensation grisante de pouvoir enfin lâcher la bride se mêle à l'appréhension de ne pas savoir ce que le chemin nous réserve au prochain contour, Didier Burkhalter, fidèle à lui-même, nous a démontré que cette contraction n'est qu'apparente, car, pour reprendre ses propres termes :

    « La liberté seule et momentanée prend vite des allures d'égoïsme et de vanité, de trompe-l'oeil. Elle ne vaut vraiment que lorsqu'elle est accompagnée de responsabilité, d'ouverture aux autres, et de ce partenariat qui fait la force. »

    Nul autre que lui n'aurait su décrire avec tant de justesse la profession de foi qui a été la sienne tout au long de son parcours exemplaire. Le chemin est sans doute encore long, et semé d'embûches, mais nous sommes heureux et fiers de pouvoir le partager avec lui. Nous tenons à lui rendre hommage, pour cette leçon permanente d'optimisme, de professionnalisme et d'humanité qu'il nous prodigue, et pour la sincérité de son engagement.


    Jean-Marie Grether,

    Doyen de la Faculté des sciences économiques

     

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    Juriste et docteur en médecine, M. Thomas Björn Zeltner a été professeur de santé publique à l'Université de Berne. En 1991, à 44 ans, il est nommé par le Conseil fédéral directeur de l'Office fédéral de la santé publique, poste qu'il a marqué de son empreinte pendant 18 ans, au point d'être considéré comme le ministre suisse de la santé de l'époque. Durant cette période, il a confié de nombreux mandats au professeur Olivier Guillod et à l'Institut de droit de la santé, établissant ainsi des liens étroits avec l'Université de Neuchâtel où il est régulièrement invité comme enseignant dans le programme de formation continue en droit de la santé. Envoyé spécial du Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il poursuit par ailleurs son engagement en faveur de la promotion d'une santé publique respectueuse des droits humains.

    Laudatio de M. Thomas Björn Zeltner, Dr h. c. Dies Academicus 2014

    Monsieur Thomas Zeltner, né à Berne en 1947, possède une double formation en médecine et en droit suivie à l’Université de Berne. Il a complété sa formation notamment en santé publique à l’Université de Harvard aux Etats-Unis.

    Il a aussi mené une double carrière reflétant cette double formation:

    • d’une part, une carrière académique à l’Université de Berne, dans plusieurs départements de la Faculté de médecine, couronnée par le titre de professeur de santé publique ;
       
    • d’autre part, une carrière politique, menée partiellement en parallèle: à 44 ans, M. Zeltner a été nommé par le Conseil fédéral directeur de l’Office fédéral de la santé publique. Pendant dix-huit ans, il a marqué ce poste de son empreinte, au point d’être considéré en quelque sorte comme le ministre suisse de la santé de l’époque.

    Dans sa carrière académique, M. Zeltner est l’auteur de quelques dizaines de publications scientifiques, notamment dans le domaine de la santé publique.

    Dans sa carrière au service de l’Etat, il a directement influencé la politique suisse de la santé dans les années 1990 et 2000 et façonné ainsi dans une large mesure la législation sanitaire actuelle. C’est par exemple sous la direction de M. Zeltner que la Suisse a développé - en 1991 - une toute nouvelle politique en matière de drogue qui a retenu l’attention du monde entier. Sa stratégie dite des quatre piliers combinait des actions dans la prévention, la thérapie, la réduction des risques et la répression. Le volet «réduction des risques» comprenait des mesures aussi révolutionnaires à l’époque que l’échange de seringues à grande échelle, y compris dans les prisons, et la prescription médicale d’héroïne pour les toxicomanes chroniques.

    A la demande du directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), M. Zeltner a présidé, en 1999 et 2000, un Comité chargé d’examiner les activités des multinationales du tabac, plus précisément leurs tentatives de saboter les activités de l’OMS pour lutter contre le tabagisme. Le rapport rendu par ce comité a marqué le début des négociations pour la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac. Les inlassables efforts de M. Zeltner pour réduire la consommation de tabac en Suisse ont fait de lui un adversaire de choix des multinationales du tabac. Ils lui ont même valu le sobriquet de «the Tobacco Taliban», le taliban du tabac.

    Aujourd’hui, M. Zeltner assume, entre autres tâches, celle d’envoyé spécial de l’Organisation mondiale de la santé. Il conseille ainsi la Directrice générale de l’OMS, Madame Margaret Chan, sur des questions délicates en relation avec la réforme en cours de l’OMS; par exemple, comment l’OMS peut-elle collaborer avec des acteurs non étatiques (ONG et secteur privé) sans compromettre son intégrité? Comment peut-elle mieux gérer les priorités en fonction des ressources financières disponibles?

    M. Thomas Zeltner, c’est pour moi un privilège et un grand honneur de participer à cette cérémonie du dies academicus lors de laquelle vous recevrez le doctorat honoris causa que l’Université de Neuchâtel a le plaisir de vous remettre.

    Vous avez tissé et entretenu des liens professionnels et amicaux avec plusieurs collègues de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, notamment à travers l’Institut de droit de la santé.

    Durant la période où vous dirigiez l’Office fédéral de la santé publique, de 1991 à 2009, vous avez fait appel à de nombreuses reprises à l’Institut de droit de la santé et son directeur, le professeur Olivier Guillod. Vous sollicitiez leur avis de spécialistes non seulement sur des questions juridiques précises, mais aussi sur des problèmes législatifs plus généraux.

    Vous avez eu raison de leur faire confiance. Ce n’est pas pour rien que l’Institut de droit de la santé est aujourd’hui reconnu par le Rectorat comme un centre d’excellence de notre Université, c'est-à-dire un centre de compétences qui contribue au rayonnement national et international de notre alma mater. Et depuis votre retraite bien méritée de l’Office fédéral de la santé publique, c’est l’Institut qui vous sollicite pour enseigner dans son programme de formation continue en droit de la santé.

    M. Zeltner, votre parcours montre l’exemple d’une personne qui a oeuvré inlassablement pour une politique nationale et internationale de la santé publique qui soit respectueuse des droits humains. En vous remettant aujourd’hui le titre de docteur honoris causa, l’Université de Neuchâtel souhaite vous remercier de votre engagement en faveur de la promotion de la santé. Nul doute que votre parcours est une source d’inspiration pour nos étudiantes et étudiants.

    Christoph Müller,

    Doyen de la Faculté de droit

  • 2011 - Giorgio Malinverni

    Professeur honoraire de la Faculté de droit de l'Université de Genève, Juge auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg, M. Giorgio Malinverni est une figure marquante du droit constitutionnel et du droit international. En 40 ans d'enseignement et de recherche universitaire, il a formé et transmis son savoir à des générations d'étudiants. Durant sa carrière, M. Malinverni a oeuvré inlassablement pour le respect des droits de l'Homme et de la démocratie, en se consacrant en particulier à la protection des minorités nationales, des libertés et des droits économiques sociaux et culturels. Nombreuses et importantes sont les fonctions qu'il a occupées. Quelques exemples : juriste auprès du Comité international de la Croix-Rouge, membre et vice-président de la Commission de Venise, conseiller international auprès de la Cour constitutionnelle de Croatie.

    Les liens tissés entre le Professeur Malinverni et l'Université de Neuchâtel ont perduré après son accession à la Cour européenne des droits de l'Homme. En sa qualité de Juge au titre de la Suisse, il y a régulièrement accueilli les étudiants de la Faculté de droit, dans le cadre du « Séminaire de Strasbourg ».

    Laudatio de M. Giorgio Malinverni, Dr h. c. Dies Academicus 2011

    M. Malinverni, c’est pour moi un privilège et un grand honneur de participer à cette cérémonie du Dies academicus lors de laquelle vous recevrez le Doctorat honoris causa que l’Université de Neuchâtel souhaite vous décerner, sur proposition de la Faculté de droit.

    Vous avez quitté votre Tessin natal pour étudier à la Faculté de droit de l’Université de Fribourg, au sein de laquelle vous avez obtenu votre licence en droit en 1965. Vous avez ensuite rejoint l’Université de Genève pour rédiger votre doctorat en droit et y avez travaillé comme assistant et professeur assistant, avant d’y être nommé professeur ordinaire de droit constitutionnel en 1980.

    Durant votre carrière, vous avez occupé de nombreuses fonctions très importantes. Je me permets d’en mentionner trois qui sont dignes d’être relevées :

    • la fonction de vice-président de la Commission européenne pour la  démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, plus connue sous le nom de  « Commission de Venise » ;
    • la fonction de membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturelsdes Nations Unies ; et
    • la fonction très prestigieuse de juge auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg, pendant ces cinq dernières années.

    Depuis de nombreuses années, vous avez tissé des liens professionnels et d’amitié avec plusieurs collègues de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel. Ces liens sont nés alors que vous étiez encore professeur de droit constitutionnel à l’Université de Genève et ont perduré après votre accession à la Cour européenne des droits de l’Homme.

    En votre qualité de Juge au titre de la Suisse, vous y avez régulièrement accueilli les étudiantes et les étudiants de notre Faculté, lors de leur traditionnelle visite annuelle à Strasbourg dans le cadre du séminaire dit « de Strasbourg ». Vous avez toujours trouvé la disponibilité nécessaire pour vous entretenir avec eux et votre extrême amabilité a laissé un souvenir émerveillé dans leur cœur. Bien qu’appelé à assumer de hautes fonctions, vous êtes ainsi resté attaché aux valeurs de l’amitié et de la pédagogie, si chères à votre vocation première de professeur.

    Vos enseignements auront marqué des générations d’étudiants que vous avez formés. Vous avez su les sensibiliser aux droits de l’Homme et éveiller leur esprit critique durant les quarante années que vous avez passées à la Faculté de droit de l’Université de Genève.

    Vous avez aussi œuvré inlassablement pour le respect des droits de l’Homme et de la démocratie, en vous consacrant en particulier à la protection des minorités nationales, des libertés et des droits économiques sociaux et culturels. Votre parcours remarquable fait de vous l’un des plus dignes ambassadeurs de ces valeurs, dans notre pays comme à l’étranger.

    Vous êtes une source d’inspiration non seulement pour les étudiants, mais aussi pour vos collègues qui ne peuvent être qu’impressionnés par votre carrière exceptionnelle et la richesse de votre savoir.

    Cet esprit à la fois scientifique et humaniste, vous avez naturellement su le transmettre et le faire partager au travers de nombreuses contributions en droit constitutionnel et en droits de l’Homme qui font référence et ont contribué à votre rayonnement. On peut mentionner à ce titre notamment le Traité de droit constitutionnel, dont vous êtes le co-auteur et qui en est déjà à sa troisième édition. Cet ouvrage remarquable sert de base en droit constitutionnel pour de nombreux étudiants en Bachelor et est également extrêmement utile pour les praticiens.

    Je ne saurais conclure cette allocution sans vous remercier pour votre engagement sans faille, tant pour les étudiants que pour les droits de l’Homme.   

    Florence Guillaume,

    Doyenne de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 11 octobre 2011

     

  • 2010 - Gilles Petitpierre

    Professeur honoraire à la Faculté de droit de l'Université de Genève, ancien conseiller national, ancien conseiller aux Etats (où il a présidé la Commission de la science, de l'éducation et de la culture), ancien membre de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, M. Petitpierre est honoré pour sa carrière exceptionnelle, son rayonnement national et ses idées novatrices et en avance sur leur temps concernant tant l'écologie que la réforme des institutions de la Confédération (en 1990, il dirigea avec René Rhinow le groupe de travail « Structures de direction de la Confédération »).

    M. Petitpierre a effectué ses études universitaires à la Faculté des lettres de l'Université de Neuchâtel où il a obtenu une licence ès lettres et à l'Université de Genève où il a obtenu son doctorat en droit.

    Laudatio de M. Gilles Petitpierre, Dr h. c. Dies Academicus 2010

    M. Gilles Petitpierre, né le 22 janvier 1940, est originaire de Couvet. Il est le fils de Max Petitpierre, conseiller fédéral de 1945 à 1961, dirigeant le département politique (affaires étrangères), et le neveu de Denis de Rougemont. Sa femme, Anne Petitpierre-Sauvain, est avocate et professeure à la faculté de droit de l’Université de Genève.

    M. Gilles Petitpierre effectue ses études supérieures à la faculté des lettres de l’Université de Neuchâtel où il obtient une licence ès lettres et à l’Université de Genève où il obtient un doctorat en droit. Il est ensuite nommé professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Université de Genève, fonction qu’il occupe de 1978 à 2005.

    M. Petitpierre est l’auteur de nombreuses publications de référence portant notamment sur la partie générale du droit des obligations ainsi que sur la réforme des institutions. M. Petitpierre a formé des générations de juristes, les initiant aux subtilités du droit des obligations. « Docendo discimus », « en enseignant, nous apprenons », selon le titre de la leçon d’adieu prononcée par M. Petitpierre.

    Plusieurs de ses élèves sont devenues professeures dans diverses facultés de droit. Il a certainement appris avec joie et satisfaction que l’une de ses dernières doctorantes, Madame Anne-Sylvie Dupont, auteure d’une thèse remarquable sur le dommage écologique, vient d’être nommée chargée d’enseignement dans notre faculté, responsable de l’enseignement de droit des assurances sociales.

    Parallèlement à sa carrière académique, M. Petitpierre exerce des mandats politiques importants au Parlement fédéral, comme conseiller national de 1979 à 1991, puis comme conseiller aux Etats de 1991 à 1995. Au Conseil des Etats, il préside la commission de la science, de l’éducation et de la culture. En 1990, il dirige avec son collègue René Rhinow le groupe de travail « Structures de direction de la Confédération », participant ainsi activement à la réflexion sur la réforme des institutions de notre pays. M. Petitpierre est un parlementaire respecté et influent. Il siège également à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

    *******

    M. Petitpierre, c’est un honneur pour moi de participer à cette cérémonie du dies academicus lors de laquelle il vous sera remis dans quelques instants le titre de docteur en droit honoris causa de l’Université de Neuchâtel.

    Vous faites partie de ces rares personnes qui allient le sens de l’Etat et de l’intérêt général, le respect des autres et la modestie, une parfaite intégrité, une sincère conscience sociale ainsi qu’un esprit ouvert et visionnaire.

    Vous avez été de tous les combats qui honorent le juriste, que cela soit l’égalité des droits entre femmes et hommes, la refonte du droit matrimonial, le développement des énergies renouvelables, l’intégration européenne et bien sûr la réforme des institutions.

    J’espère, cher M. Petitpierre, que vous ne m’en voudrez pas de conclure cette brève allocution en vous citant :

    « Paul Valéry qui a le don de la lucidité a écrit :

    « Ce qui est simple est toujours faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable » (tiré de Mauvaises pensées et autres, Paris 1942).

    Que cela ne nous empêche pas [et je vous cite] de chercher infatigablement la voie entre ces deux échecs (l’erreur et l’inutilité) pour mettre en œuvre un droit praticable aussi juste que pourra l’être une création humaine » (Gilles Petitpierre, Docendo discimus, leçon d’adieu prononcée le 10 juin 2005, in : Le législateur et le droit privé, Colloque en l’honneur du professeur Gilles Petitpierre, Genève/Zurich/Bâle 2006, p. 237).

    Jean-Philippe Dunand, doyen de la faculté de droit

    Neuchâtel, le 6 novembre 2010

  • 2020 - Jane C. Ginsburg

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    Pionnière dans l’avancement de la recherche dans le droit de la propriété intellectuelle, Mme Jane Ginsburg est une sommité dans son domaine. Diplômée de l’Université de Chicago et de la Harvard Law School, elle est titulaire d’un doctorat en droit l'Université Panthéon-Assas de Paris. Elle a été, après ses études, adjointe au juge à la Cour d'appel des États-Unis pour le troisième circuit (Pennsylvanie, Delaware, New Jersey). Jane Ginsburg a travaillé pour l’American Law Institute et conseillé non seulement le gouvernement américain, mais aussi de nombreux autres États, autant dans des pays industrialisés qu’en développement.

    Laudatio de Mme Jane C. Ginsburg, Dr h.c. Dies Academicus 2020

    Madame Jane C. Ginsburg est une pionnière dans l'étude de la propriété intellectuelle, une scientifique mondialement renommée, et une professeure très appréciée aussi bien par ses étudiantes et étudiants que par ses pairs.

    Elle est professeure de droit de la propriété littéraire et artistique de la chaire Morton L. Janklow et directrice du Kernochan Center for Law, Media and the Arts de l'Université de Columbia. Elle y enseigne la méthodologie juridique, le droit d'autrice et d’auteur américain et international ainsi que le droit des marques.

    Elle a tracé sa propre voie jusqu'au sommet du monde académique.

    Pour ce faire, elle a pu s'appuyer sur de solides études à l'Université de Chicago et à Harvard, où elle a obtenu le grade de Juris Doctor en 1980. Elle a poursuivi ses études à l'Université parisienne Panthéon Assas, au bénéfice de la prestigieuse bourse Fulbright. Elle a obtenu à Paris le Diplôme d'études approfondies en 1985 (D.E.A.) et son doctorat en 1995.

    Jane C. Ginsburg a ensuite acquis une expérience inégalée comme greffière de la cour d’appel des Etats-Unis pour le juge fédéral Gibbons, puis dans une étude d'avocats de New York. Elle a rejoint l’Université de Columbia comme professeure associée puis titulaire, devenant une référence aux États-Unis et au niveau international.

    La reconnaissance est venue naturellement, et a crû tout aussi rapidement.

    Sans prétendre à l’exhaustivité, vu l’étendue de ses activités, nous mentionnerons qu'elle a été professeure à l'Université de Cambridge, titulaire de la chaire de sciences juridiques Arthur L. Goodhart et professeure à l’Emmanuel College. À la fin des années nonante, elle a été invitée par l'Académie de droit international de La Haye pour un cours visionnaire intitulé Law of Copyright in an Era of Technological Change.

    Elle a aussi accompli un tour du monde académique la conduisant dans le désordre à Nantes, Toulouse, Paris, Cambridge, La Haye, New-York, Melbourne, Helsinki, Rome, Sydney, Jérusalem, Auckland ou encore Papeete.

    Jane C. Ginsburg est l’autrice et la co-autrice de manuels de référence en droit de la propriété intellectuelle, en droit des marques, en droit d’autrice ou d’auteur et en méthodologie juridique. Elle a également publié de nombreux articles et chapitres de livres sur le droit national et international de la protection du droit d'autrice ou d’auteur et des marques.

    Au sein de l'American Law Institute, elle a été co-rapporteure pour une étude sur les « Principes régissant la juridiction, l’élection de droit et les jugements dans les litiges transnationaux de propriété intellectuelle ». Elle est par ailleurs “Corresponding Fellow” de la British Academy, membre de l'American Philosophical Society, membre de l'American Academy of Arts and Sciences, membre honoraire de l'Emmanuel College de l’Université de Cambridge, et elle a été membre affiliée et résidente de l'American Academy à Rome. Jane C. Ginsburg est aussi vice-présidente de l’Association Littéraire et Artistique Internationale, dont le siège est à Paris et le but est de promouvoir et défendre les droits des autrices et des auteurs ; elle préside la section américaine.

    En 2008, Jane C. Ginsburg a été intronisée au panthéon de la propriété intellectuelle en étant élue IP Hall of Fame inductee, décrite comme « A highly influential academic and teacher who has written some of the most important IP-related books of modern times », une phrase qui résume bien ses grandes qualités.

    Elle s’est vu remettre en 2015 la prestigieuse distinction Mark T. Banner de la section de la propriété intellectuelle de l'American Bar Association.

    Outre l'anglais, elle parle à la perfection l'espagnol, l'italien et le français. Sa maîtrise des langues a ainsi facilité ses nombreux voyages dans notre pays où elle s’est prise d’affection pour la culture romande.

    Nous espérons qu'elle continuera à visiter aussi souvent que possible la Suisse dans les années à venir.

    Madame Jane C. Ginsburg va à présent recevoir des mains de Mme Nathalie Tissot, vice-rectrice un diplôme sur lequel figurent les mots suivants :

    (Texte du diplôme)

    L'Université de Neuchâtel, sur proposition de sa Faculté de droit, confère par les présentes à Madame Jane C. Ginsburg, professeure de droit de la propriété littéraire et artistique, Columbia Law School.

    Pour ses accomplissements académiques exceptionnels en tant que professeure de droit et son rôle de pionnière, mondialement reconnu, dans la recherche concernant le droit de la propriété intellectuelle,

    le grade de docteure en droit honoris causa.

     

    Olivier Hari,
    Doyen et Professeur en Faculté de Droit

     

    Neuchâtel, le 5 novembre 2021

    Présentation vidéo

    Dies academicus 2020

  • 2009 - Robert Badinter

    Avocat au barreau de Paris et homme politique, M. Robert Badinter lie son nom à la défense de causes célèbres, comme celle de M. Patrick Henry. Militant pour les droits de l'Homme, il entre au parti socialiste dès 1971. Nommé garde des Sceaux et ministre de la Justice durant le premier septennat de François Mitterand, il fait voter par l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort le 9 octobre 1981. Il est également à l'origine d'autres mesures telles que l'abrogation du délit d'homosexualité, la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et des tribunaux permanents des forces armées, l'élargissement du droit d'action des associations pour la poursuite des crimes contre l'Humanité et des infractions racistes. De 1986 à 1995, il préside le Conseil constitutionnel et dirige la commission d'arbitrage de la CEE sur la question yougoslave. Auteur de nombreux essais historiques et politiques, il est une référence pour tous les étudiants en droit pénal grâce à la rigueur de son argumentation privée de toute démagogie.

    Laudatio de M. Robert Badinter, Dr h. c. Dies Academicus 2009

    Selon l’auteur américain Robert Half, « La persévérance, c’est ce qui rend l’impossible possible, le possible probable et le probable réalisé ».

    Vous avez fait preuve d’une persévérance remarquable, M. Badinter, lorsqu’au mois de septembre 1981, en votre qualité de Garde des Sceaux, vous avez présenté devant l’Assemblée nationale, puis le Sénat, le projet de loi visant à l’abolition de la peine de mort en France. Nous étions derrière notre petit écran pour suivre le premier débat intégralement retransmis à la télévision. Nous nous souvenons encore tous de votre discours que vous avez ponctué par cette phrase exceptionnelle de gravité et d’éloquence : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue ».

    « Eternel avocat des causes désespérées », selon vos propres termes, vous serez associé à jamais à l’abolition de la peine de mort en France. On trouve dans votre démarche toutes les qualités d’un grand homme :

    • La persévérance nous l’avons dit puisque vous étiez l’un des principaux animateurs, depuis plus  d’une décennie, du parti abolitionniste ;
    • le courage, dans un pays dans lequel la grande majorité de l’opinion publique était favorable à la peine de mort et dans lequel vous-même et votre famille receviez presque quotidiennement des menaces de mort ;
    • la force de conviction, basée sur la qualité de l’argumentation et le refus de toute démagogie ;
    • et enfin, l’éloquence, fondée sur le choix et la connaissance de la valeur des mots, sur la clarté de la démonstration.

    Durant cette période, vous avez conduit une politique active de promotion des libertés publiques. Vous avez supprimé les juridictions d’exception et fait adopter des lois accordant de nouveaux droits aux victimes.

    Certes, la plupart de nos étudiants sont évidemment trop jeunes pour avoir suivi ces débats.

    Et pourtant, ils vous connaissent et vous admirent M. Badinter, vous qui êtes présent dans de nombreux enseignements donnés à la Faculté de droit. Vos idées, vos écrits, votre action, sont partie intégrantes de nos cours de droit pénal ; de droit pénal international, de criminologie ; de droit constitutionnel ; de rhétorique, et même du cours d’histoire du droit lorsque celui qui vous parle présente l’apport de Cesare Beccaria.

    On vous sait pudique, peu enclin à vous épancher sur votre vie privée. Il est toutefois remarquable que cette année-même où nous vous accueillons à Neuchâtel, deux biographies qui vous sont consacrées viennent de paraître de manière presque concomitante (Paul Cassia, Robert Badinter, Un juriste en politique et Pauline Dreyfus, Robert Badinter, L’épreuve de la justice) et deux téléfilms retraçant une partie de votre vie a été diffusé (L’Exécution et l’Abolition, de Jean-Daniel Verhaeghe diffusés sur France 2).

    Tributaire d’une histoire personnelle dramatique, victime de la barbarie nazie, votre père Simon ayant été arrêté et déporté, vous avez consacré votre existence à la lutte contre les discriminations, les racismes et les persécutions, au combat pour la vie et la dignité humaine.

    Partout et toujours, M. Badinter, vous avez été un fidèle serviteur de la Justice : comme avocat, comme Professeur à la faculté de droit ; comme Ministre de la Justice comme Président du conseil constitutionnel, et plus récemment comme sénateur. Vous avez également œuvré sur le plan international à la création du Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie, de la Cour Pénale Internationale de la Haye, ainsi que de la Cour de Conciliation et d’Arbitrage de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, Cour que vous présidez depuis 1995.

    Toujours présent sur la scène politique, votre autorité et vos opinions sont respectées bien au-delà de votre camp politique.

    M. Badinter, c’est un grand honneur pour la Faculté de droit que vous soyez associé aux festivités du centième anniversaire de l’Université de Neuchâtel par la remise du titre de docteur en droit honoris causa.


    Jean-Philippe Dunand, doyen de la faculté de droit

    Neuchâtel, le 7 novembre 2009

  • 2008 - Kofi Annan

    Laudatio de M. Kofi Annan, Dr h. c. Dies Academicus 2008

    Certains récits sont de portée universelle, parce qu’ils sont exemplaires. Ainsi allez-vous reconnaître sans peine ce propos :

    La raison du plus fort est toujours la meilleure :

    Nous l'allons montrer tout à l'heure.

    Dans la fable du loup et de l’agneau, La Fontaine est sans illusion sur les rapports de force qui gouvernent le monde. Il dénonce le comportement odieux de celui qui est fort et puissant et qui, non content d’exercer sa force, sa puissance, voire sa violence, sur un plus faible que lui, prétend les justifier par des arguments spécieux : comble de perversité, il feint de devenir victime pour mieux pouvoir être bourreau. La formule se vérifie : lupus est homo homini, l’homme est un loup pour l’homme.

    *

    On le voit bien, seul un monde fondé sur la loi et son respect, sur l’éducation et le développement, permet d’adoucir le constat et de combattre les abus de force. Il faut donc un monde qui se réfère à des règles, acceptées par une majorité et appliquées à tous et par tous, même les plus puissants.

    Parmi vos grands mérites, Monsieur le Secrétaire général, nous voulons saluer celui d’avoir choisi le droit comme référence dans un monde régi essentiellement par des rapports de force et de pouvoir, d’avoir prôné , à l’ONU et dans le monde, avec conviction, continuité, courage et opiniâtreté, le respect de la justice, de la légitimité et de la légalité.

    Cette référence au droit et votre sensibilité envers les plus faibles, vous ont poussé à défendre le respect des droits de l’homme partout dans le monde et en toutes circonstances, à apporter une contribution essentielle à la lutte contre la culture de l’impunité : votre soutien sans faille a contribué à la création de la Cour pénale internationale.

    Cette référence au droit et votre sensibilité envers les plus faibles, vous ont également conduit à placer les plus riches face à leur devoir d’aider au développement des plus pauvres.

    *

    Excellence, vous avez fait comprendre à votre organisation et au monde que les droits de l’homme et le développement sont des facteurs indispensables au maintien de la paix et de la sécurité internationale. Et l’ONU a eu la sagesse de vous comprendre et vous a rejoint dans votre affirmation : « il ne faut pas oublier que tout commence par la torture d’une personne, par des mauvais traitements infligés à une personne, par la violation des droits humains d’un seul individu ». Ces violations individuelles ouvrent la porte à l’escalade des abus. Vous dénoncez aujourd’hui une « érosion du respect des droits de l’homme et des normes auxquelles nous tenons. Un nombre croissant de pays ont en effet tendance à sacrifier les droits de l’homme et les libertés civiles individuelles sur l’autel de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. Or il n’y a pas de négociation possible entre ces droits et la sécurité.

    En avril 2000, vous avez invité les Etats membres à s’engager en faveur d’un plan d’action pour l’élimination de la famine et de la pauvreté extrêmes, pour la promotion de l’égalité, notamment des sexes et de l’éducation, pour le renforcement de la position des femmes, la réduction de la mortalité infantile et l’amélioration de la santé des mères, pour la réduction du sida, de la malaria et d’autres maladies, pour la préservation durable de l’environnement et la protection des peuples contre la violence et les conflits.

    Vous avez propagé dans le monde les valeurs universelles d’égalité, de tolérance et de dignité humaine augmentant le nombre de ceux qui y sont désormais sensibles.

    Vous avez réformé l’ONU.

    Mais, vous savez que ces succès sont souvent relatifs, que les rapports de force se manifestent malgré tout et que les intérêts des nations convergent pour le meilleur, mais aussi pour le moins bon et qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le fonctionnement de notre monde, malgré les efforts des Etats, des organisations, des privés et des ONG.

    *

    Vous êtes né à Kumasi (Ghana) où vous avez étudié à l’Université scientifique et technologique et vous avez achevé votre licence d’économie, à St. Paul dans le Minnesota. Vos attaches avec la Suisse viennent notamment des études de troisième cycle en économie faites à HEI, à Genève, et du fait que vous êtes entré dans le système des Nations Unies par l’OMS, toujours à Genève. Vous avez complété votre formation au MIT (Massachusetts Institute of Technology).

    En 2001, vous avez reçu le Prix Nobel de la Paix, parce que le Comité Nobel a reconnu que votre rôle avait été déterminant pour insuffler une nouvelle vie à l’Organisation.

    Vous parlez couramment l’anglais, le français et plusieurs langues africaines et vous avez créé en 2007 à Genève la fondation Kofi Annan dont les buts, exclusivement caritatifs, comprennent en particulier la réduction de la pauvreté et de la famine, l'amélioration de l'éducation des femmes, la promotion d'une agriculture durable et de la santé publique dans les pays en voie de développement.

    *

    Mais alors, outre les qualités humanistes qui sont les vôtres, quels liens personnels avez-vous avec Neuchâtel ? Les liens du cœur. Vous êtes marié à une juriste et artiste suédoise, prénommée Nane, dotée d’un très beau talent, en particulier dans le domaine de la peinture, très engagée comme vous dans la lutte contre le sida et en faveur de l’éducation des femmes. Nous savons le rôle remarquable qu’elle joue auprès de vous, avec beaucoup d’intelligence, de délicatesse et d’affection. Or, la mère de votre femme est née von Dardel, patronyme historiquement originaire de Saint-Blaise.

    Comme aujourd’hui nous avons le plaisir d’avoir également votre Ami, le Conseiller fédéral Adolf Ogi, qui a tenu à être présent, permettez-moi de conclure, Monsieur le Secrétaire général, en lui faisant un petit clin d’œil : « c’est formidable que vous ayez accepté d’être docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel ».

    Piermarco Zen-Ruffinen, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 1er novembre 2008

  • 2006 - Giuliano Amato

    Laudatio de M. Giuliano Amato, Dr h. c. Dies Academicus 2006

    Né à Turin à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Giuliano Amato entreprend de brillantes études de droit à l’Université de Pise, où il obtient sa licence en 1960, avant de compléter sa formation à la « School of Law » de l’Université de Columbia, à New York, dont il décroche un master en droit compa-ré en 1962.

    Eminent juriste, Giuliano Amato enseigne ensuite le droit constitutionnel dans les Universités de Mo-dène, de Perugia et de Florence, pour être finalement nommé professeur de droit constitutionnel ita-lien et comparé à la prestigieuse Ecole de Science politique de l’Université « La Sapienza » de Rome, où il restera de 1975 à 1997.

    Parallèlement, touché par un sens précoce de l’engagement civique, Giuliano Amato adhère très jeune au Parti socialiste italien. Au cours d’une carrière politique exceptionnelle, il assume avec brio de multiples fonctions successives, que ce soit, d’abord, comme directeur de l’IRES, le centre d’études du plus gros syndicat ouvrier italien, la CGIL, en 1978, puis comme membre du Parlement italien de 1983 à 1993, comme Secrétaire général de la Présidence du Conseil de 1983 à 1987, comme Ministre du Trésor et vice-président du Conseil des Ministres de 1987 à 1989, comme Premier Ministre de 1992 à 1993, comme Président de la Commission Antitrust de 1994 à 1997, puis à nou-veau comme Ministre des réformes institutionnelles, puis Ministre du Trésor et Premier Ministre, de 1999 à 2001 et, pour terminer, comme membre du Sénat puis de la Chambre des députés, avant de devenir, ce printemps, Ministre de l’intérieur de l’actuel Gouvernement italien. Dans toutes ces nom-breuses charges politiques, Giuliano Amato s’est toujours distingué par son éthique et sa faculté de percevoir les problèmes avec une très grande acuité.

    Politicien dont le courage, la probité et la très grande intelligence forcent le respect, il a notamment lancé, en 1992, alors que la vie politique italienne était en pleine tempête, un vaste et audacieux pro-gramme d’assainissement des finances publiques et de privatisation, dévaluant la lire et sauvant pro-bablement son Etat de la faillite, ce qui lui a valu la reconnaissance et l’estime générale des gouver-nements européens. 

    Rien dès lors de surprenant à ce que, en décembre 2001, les leaders de l’Union européenne aient fait appel à lui et l’aient nommé, au côté de l’ancien Premier Ministre belge Jean-Luc Dehaene, vice-président de la Convention présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing et chargée de rédiger un projet de Constitution pour l’Europe.

    Dévoué à son parti, à ses idées, à son pays et à l’Europe, Giuliano Amato n’a jamais oublié pour au-tant sa passion pour le droit et son profond attachement au milieu académique. Auteur de nombreu-ses publications consacrées notamment à l’économie et aux institutions publiques, aux libertés per-sonnelles et au fédéralisme, il est aujourd’hui professeur dans deux des plus prestigieuses Universités européenne et américaine, l’Institut universitaire européen de Florence et la New-York University Law School.  Homme de « génie flexible », Giuliano Amato s’est toujours distingué par son aptitude à se hisser au-dessus des querelles partisanes et il est parfois décrit comme un « pontonnier », en raison de sa ca-pacité à dépasser les clivages politiques et à rapprocher les antagonistes.  C’est dès lors un privilège et un immense honneur de désigner une personnalité telle que lui Docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel. De par l’acceptation du titre que nous lui conférons au-jourd’hui, Giuliano Amato dresse non seulement un pont entre notre Faculté et un grand professeur de droit, mais également un pont entre notre Université et l’histoire européenne. Nous l’en remercions de tout cœur.

    Pascal Mahon, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 4 novembre 2006

  • 2004 - Luzius Wildhaber

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    Laudatio de M. Luzius Wildhaber, Dr h. c. Dies Academicus 2004

    Luzius Wildhaber appartient à la première génération de juristes qui, dans la seconde moitié du vingtième siècle, après le cauchemar de la Deuxième Guerre mondiale, ont consacré leur vie professionnelle et académique à la promotion des droits de la personne humaine, les Droits de l'Homme comme le langage non épicène les désigne encore.

    A l'heure de la spécialisation à l'extrême, Luzius Wildhaber nous donne un heureux exemple de juriste qui a traversé avec aisance la plupart des domaines du droit et qui a mené, avec tout autant d'aisance et de succès, plusieurs carrières professionnelles, dont chacune ferait l’envie de tout juriste.

    Carrière d’étudiant d’abord : après avoir étudié le droit à l'Université de Bâle, où il a obtenu son doctorat en 1961, il a poursuivi sa formation dans les Universités de Paris, Heidelberg, Londres et Yale.

    Carrière au service de l’administration de son pays ensuite : Luzius Wildhaber a travaillé comme juriste au Département fédéral des affaires étrangères. Il a notamment été observateur de la Suisse auprès de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, et membre de la Commission d'experts du Conseil fédéral pour une révision totale de la Constitution fédérale – la "Commission Furgler" –, dont il a rédigé le rapport final en 1977. Il participera aussi, vingt ans plus tard, au comité d'experts chargé d’élaborer une révision totale de la Constitution fédérale, la bonne celle-là, qui a abouti, par le vote du 18 avril 1999, à la Constitution qui nous régit aujourd'hui

    Carrière académique, en parallèle : il a enseigné comme professeur le droit international public, le droit constitutionnel, le droit comparé et le droit administratif aux Universités de Fribourg puis de Bâle. Dans cette dernière, il a assumé les fonctions de doyen, puis de vice-recteur et enfin de recteur.

    Parallèlement encore, carrière judiciaire : Luzius Wildhaber s'est laissé tenter par l'expérience judiciaire, sous ses formes les plus diverses : juge à la Cour constitutionnelle de la Principauté du Liechtenstein, juge au Tribunal administratif de la Banque interaméricaine de développement à Washington D.C., arbitre dans plusieurs grosses affaires internationales, pour le compte notamment de la Cour internationale d'arbitrage à Londres; enfin, couronnement de cette carrière dans la magistrature internationale, Luzius Wildhaber est entré en tant que juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme en 1991, Cour qu'il n'a plus quittée depuis et qu'il préside même, depuis 1998.

    Tout au long de ces multiples carrières, Luzius Wildhaber est resté très attaché au monde académique. En témoignent notamment ses innombrables publications - une dizaine d'ouvrages de référence et plusieurs centaines d'articles - qui lui ont valu la reconnaissance de ses pairs et procuré de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le prix Marcel Benoist en Suisse et plusieurs doctorats honoris causa dans le monde entier. En témoigne aussi sa participation aux organes directeurs des sociétés et organismes de la science juridique parmi les plus prestigieux à travers l’Europe.

    Même si ses activités et sa réputation scientifique l'ont conduit à vivre et à œuvrer à la protection des Droits de l'Homme en Europe et dans le monde, Luzius Wildhaber a toujours su conserver et conforter ses attaches avec la Suisse, le droit suisse et aussi notre Université. Depuis longtemps, il avait tissé des liens avec certains professeurs de notre Faculté de droit, en particulier avec les professeurs Jean-François Aubert et Jacques-Michel Grossen. Ces liens ont été renoués récemment puisque la Cour européenne des Droits de l'Homme accueille chaque année la visite d'un groupe d'étudiantes et d'étudiants de la Faculté de droit, à l'occasion de leur "séminaire de Strasbourg" et que, lorsque son emploi du temps lui en laisse le loisir, le Président de la Cour leur fait l'honneur de les recevoir et de partager avec eux ses riches expériences.

    Aujourd'hui, c'est au tour de l'Université de Neuchâtel d'accueillir le Président de la Cour européenne des Droits de l'Homme et c'est pour elle un plaisir, un honneur et un privilège que de conférer à Luzius Wildhaber le titre de Docteur honoris causa.

    Prof. Olivier Guillod, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 6 novembre 2004

  • 2003 - Michael Waelbroeck

    Laudatio de M. Michel Waelbroeck, Dr h. c. Dies academicus 2003

    Michel Waelbroeck est l’un des plus éminents représentants de la première génération de juristes qui ont consacré leur vie professionelle et académique au droit communautaire. Avec quelques autres, notamment Louis, van der Mersch, Pescatore, Jolliet ou Ehlermann, Michel Waelbroeck a profondément influencé l’évolution du droit communautaire par l’originalité, la rigueur et la pertinence de son travail et de ses écrits.

    Michel Waelbroeck fait partie d’une espèce en voie d’extinction : aujourd’hui, on ne trouve plus guère de juristes qui  peuvent, comme lui, parcourir avec aisance tous les domaines et toute l’histoire du droit communautaire. Il a apporté des contributions notables tant au droit institutionnel des Communautés européennes puis de l’Union européenne qu’au droit européen de la concurrence. Il était présent lorsque le droit communautaire a pris son essor, il a accompagné et influencé son processus de maturation et il se fait toujours entendre, et surtout écouter, à l’heure de sa constitutionalisation.

    On pourrait dire que Michel Waelbroeck est le plus suisse des grands professeurs de droit communautaire ayant fait œuvre de précurseur, puisqu’il est né et a entamé sa scolarité à Genève. Il a principalement construit sa carrière en Belgique, au sein de l’Institut d’études européennes qui a ouvert ses portes aux étudiants dans les années soixante. Avec quelques collègues, il a en effet progressivement transformé cet Institut en un établissement mondialement reconnu pour sa crédibilité académique en matière de droit communautaire. Il n’est pas exagéré de prétendre que la plupart des juristes, des économistes et des politologues qui travaillent aujourd’hui sur le processus d’intégration européenne ont un lien avec cet Institut.

    Bruxelles n’a pourtant été que le centre de son rayonnement international : Michel Waelbroeck a été invité à enseigner dans les universités les plus prestigieuses du monde, des deux côtés de l’Atlantique. Il a enseigné aussi dans le postgrade du World Trade Institute des Universités BENEFRI. Comme professeur, Michel Waelbroeck a toujours été apprécié par les étudiants pour sa clarté d’expression, pour sa capacité de susciter l’intérêt pour les domaines qu’il enseigne et pour sa remarquable disponibilité chaque fois que des questions lui étaient posées.

    Michel Waelbroeck est l’auteur de nombreux livres et articles de référence en droit communautaire, qui est resté son domaine de prédilection. La lecture de ses écrits, qui garnissent les rayons de toutes les grandes bibliothèques juridiques du monde, constitue un passage obligé pour toute personne étudiant le droit communautaire, et plus spécialement le droit de la concurrence. Sa pensée continue aussi de rayonner par l’entremise des nombreux étudiants qu’il a formés et influencés partout dans le monde.

    Depuis longtemps, Michel Waelbroeck avait tissé des liens avec certains professeurs de notre Faculté de droit. Il avait par exemple participé à un colloque mémorable organisé en 1988 à Neuchâtel par le regretté Olivier Jacot-Guillarmod sur l’avenir du libre-échange européen et la construction d’un Espace Economique Européen. La Suisse n’est pas encore entrée dans l’Europe, mais l’Europe, par un maître illustre de son droit institutionnel et matériel, entre à l’Université de Neuchâtel, qui a le plaisir, l’honneur et le privilège d’accorder à Michel Waelbroeck le titre de Docteur honoris causa.

    Prof. Olivier Guillod, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 1 novembre 2003

  • 2001 - Bertrand Reeb
  • 1999 - Claus Dieter Ehlermann

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    Laudatio de M. Claus-Dieter Ehlermann, Dr h. c. Dies academicus 1999

    M. Claus Dieter Ehlermann est né le 15 juin 1031, à Scheessel, près de Hanovre. Il a étudié le droit dans les Universités allemandes de Marburg et de Heidelberg, et dans celle de Ann Arbor, dans le Michigan. Il a obtenu à Heidelberg son titre de docteur en droit.

    La carrière professionnelle de M. Claus Dieter Ehlermann commence à la Cour constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne, où il travaille comme assistant auprès du juge Kutscher. Mais M. Ehlermann devient l'homme que nous connaissons, grâce à son travail et à son engagement pour les Communautés européennes. Il débute comme Conseiller juridique auprès de la Commission de la Communauté européenne, pour ensuite arpenter tout l'édifice communautaire. Il sera tout à tour directeur du contrôle financier, directeur général du Service juridique de la Commission (où il reste une dizaine d'années et marque l'évolution du droit communautaire); puis il devient en 1987 porte-parole de la Commission et conseiller auprès de son président, M. Jacques Delors, pour les questions institutionnelles. Ensuite, il est nommé directeur de la Direction générale de la Commission de la concurrence de la Communauté européenne, à un moment où celle-ci découvre le potentiel qui existe en ce domaine. Ainsi, à la fin des années quatre-vingts, M. Ehlermann est à la tête du revirement décisif de la politique de la concurrence, dans le sens de la rendre plus apte à réagir aux nouvelles données de l'intégration économique qui s'opère au niveau international.

    Pour la plupart d'entre nous, l'âge de 64 ans est synonyme de retraite. Ce n'est pas le cas de M. Ehlermann. Après une très longue et très distinguée carrière auprès des institutions communautaires, il devient professeur au Département juridique de l'Institut européen universitaire de Florence, où il enseigne encore, et membre de l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce à Genève, où il siège aujourd'hui.

    En même temps, et durant presque tout son parcours dans les Institutions communautaires, M. Ehlermann reste extrêmement actif sur le plan scientifique. Professeur au Collège d'Europe de Bruges, professeur invité dans des Universités parmi les plus prestigieuses du monde (dans le Michigan, à New Yord ou à Bruxelles) et profeseur honoraire chez lui, à l'Univeristé de Hambourg, M. Ehlermann peut compter un très grand nombre d'étudiants répartis sur toute la planète. Editeur du commentaire du droit européen le plus connu uau monde et rédacteur d'un très grand nombre d'articles et de livres qui ont fortement influencé le droit communautaire, son domaine de prédilection, il peut être assuré que ses oeuvres lui survivront.

    Le parocurs de M. Ehlermann est hors du commun, parce que M. Ehlermann est une personnalité hors du commun, qui a su, notamment dans le monde communautaire, un monde complexe et hétérogène, imposer le respect à toutes celles et tout ceux qui ont participé à son édification. En lui conférant aujourd'hui le titre de Docteur honoris causa, l'Université de Neuchâtel rend hommage à une personnalité exceptionnelle, qui est allée bien au-delà de domaine scientifique et qui a su prendre la distance nécessaire pour le revisiter et corriger nos perceptions, notamment en droit européen. C'est lui qui a forgé les bases d'une doctrine en matière de politique commerciale, mais aussi qui a réuni et synthétisé les éléments nécessaires à la définition du rôle de l'Etat dans l'intégration européenne et l'architecture des institutions communautaires. Il n'est dès lors pas excessif de dire que M. Ehlermann a survolé non seulement le droit communautaire, mais l'intégration communautaire en tant que telle. Il a vécu "über alle Gipfen", comme son compatriote Goethe l'exprimait si bien.

    Prof. Pierre Wessner, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 6 novembre 1999

  • 1995 - Jean Pradel

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    Laudatio de M. Jean Pradel, Dr h. c. Dies Academicus 1995

    Né le 29 octobre 1933 à Châtellerault, Jean Pradel fit toutes ses études à Poitiers où il obtint sa licence en droit en 1953, alors qu'il n'avait pas encore 20 ans. Il y devint docteur en droit en décembre 1960, avec mention très bien. Sa thèse, publiée en 1963, et consacrée à la condition juridique du malade, obtint le premier prix de thèse de la Faculté de droit de Poitiers.

    De 1957 à 1969 Jean Pradel exerça la magistrature, tout d'abord en qualité de substitut du procureur, puis de procureur militaire, enfin de juge d'instruction et de juge au siège, dès 1963, à Poitiers toujours.

    Agrégé en 1969, il fut maître de conférence de 1970 à 1972 à Tunis, puis, dès cette date, professeur à la Faculté de Droit de Poitiers, où il enseigne le droit pénal, partie générale et spéciale, la procédure pénale, la criminologie et le droit pénitentiaire.

    En 1975 et 1976, il était directeur de l'Institut d'Etudes Judiciaires, en la même Faculté, puis directeur de l'Institut des Sciences Criminelles dès 1977, fonction qu'il exerce toujours.

    Le professeur Pradel a été et est extrêmement actif au plan législatif. Dès 1976, il participe à plusieurs commissions au Ministère de la Justice à Paris, et collabora notamment à l'élaboration du nouveau Code pénal françis, entré en vigueur en 1994.

    Au plan national, il est Président de l'Association française de droit pénal, dès mars 1994.

    Au plan international, il est Vice-président de la Fondation Internationale Pénale et Pénitentiaire dès 1985. Il remplit de nombreuses missions, donne des conférences et enseigne à l'étranger, tant en Europe qu'en Afrique et au Canada.

    C'est pourtant sa production scienifique qui est la qualité la plus remarquable du professeur Pradel: outre une centaine d'articles, dans des périodiques et ouvrages collectifs, le professeur Pradel a commis toute une brochette de traités de droit pénal, de procédure pénale, d'histoire du droit pénal, de droit pénal comparé, et d'importante monographies, tous ces ouvrages qui totalisent à eux seuls, dans leurs dernières éditions, la somme très respectable de 5148 pages.

    Ce rapide survol de la carrière de Jean Pradel et de son imposante production scientifique pourraient donner du récipiendaire l'image d'un rat de bibliothèque desséché, papivore jauni à l'ombre de monuments législatifs austères, fuyant les joies de ce monde pour les délices secrètes de l'étude désincarnée. Or, il n'en est rien: Jean Pradel est marié, et il est le meilleur des mars, Jean Pradel a trois enfants et il est le plus attentionné des pères, Jean Pradel cultive l'amitié et la confratternité tout autour du monde, et il est le plus raffiné des collègues et des amis, Jean Pradel est profondément attaché à Poitiers et au Poitou, qu'il atoujours préféré à Paris, et il est le plus inconditionnel des Poitevins, enfant Jean Pradel aime Dieu, et il est le plus fidèle des croyants. C'est aussi pour toutes ces qualités que Jean Pradel mérite d'être fait aujourd'hui docteur honoris causa de l'Université de Neuchâtel, une ville où il aime à séjourner, et où il brilla par une remarquable contribution en 1992, lors du Colloque de la Fondation Internationale Pénale et Pénitentiaire.

    Nous sommes heureux d'honorer aujourd'hui Jean Pradel, cet authentique produit de la science juridique, dont l'humanité égale l'humilité. Lui rendre homage contribue au rayonnement de notre Université.

    Prof. Pierre-Henry Bolle, doyen de la Faculté de droit

    Neuchâtel, le 4 novembre 1995