« La découverte du temple d’Artémis est une œuvre collective ! »
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Le film Artémis, le temple perdu sera diffusé dimanche 5 novembre sur RTS2 dans le cadre d’Histoire vivante. Ce documentaire se fonde sur les recherches archéologiques et philologiques initiées il y a 50 ans par le professeur honoraire de l’UniNE Denis Knoepfler, archéologue et historien, également professeur émérite en épigraphie et histoire des cités grecques au Collège de France.
Denis Knoepfler, quelle a été votre implication dans le film ?
Ce documentaire a été réalisé par Sébastien Reichenbach pour le compte de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce, qui travaille dans ce pays depuis plus d’un demi-siècle. C’est son film, une œuvre originale, basée sur une hypothèse que j’avais formulée alors que j’étais encore un tout jeune diplômé de notre Université. Le film retrace le parcours semé d’obstacles qu’il a fallu franchir, tout d’abord pour localiser avec la plus grande probabilité le sanctuaire d’Artémis à Amarynthos, sur l’île d’Eubée. Il a fallu ensuite attendre 30 ans pour obtenir l’autorisation et les moyens de mener des fouilles archéologiques sur ce site de grande importance pour la Grèce antique. Je suis donc en quelque sorte l’un des acteurs du film, à côté de nombreux autres archéologues qui ont eu la responsabilité de l’exploration effective du site.
Où en sont les découvertes sur le site, aujourd’hui ?
Pour ma plus grande satisfaction, des fouilles ont pu être régulièrement menées depuis 2012, grâce à des achats de terrains qui ont été rendus possibles par une très importante subvention venant du Département fédéral de l’Intérieur et cette année encore a eu lieu une très fructueuse campagne qui, sous la direction du professeur Sylvian Fachard (UniL) a conduit à de nouvelles découvertes majeures en plusieurs points du sanctuaire et dans le temple même de la déesse Artémis Amarysia. Ce qui est tout à fait exceptionnel, car il est devenu rare de pouvoir fouiller une zone encore vierge de toute investigation antérieure. Et c’est naturellement toujours avec une très vive émotion que l’on parvient à dégager du sol tout un ensemble de vestiges qui sortent de l’ordinaire. D’ailleurs, le film montre très bien cet émerveillement constant des archéologues, lors de toute découverte importante.
La découverte du sanctuaire et du temple d’Artémis est-elle l’œuvre de votre vie ?
Il s’agit à vrai dire surtout d’une œuvre collective. En 1969, j’ai entrepris seul, mais avec ma très regrettée épouse Martine, de chercher à localiser enfin l’emplacement du sanctuaire d’Artémis Amarysia. On connaissait en effet l’existence de ce lieu de culte voué à la divinité de la nature sauvage par plusieurs textes qui attestaient son importance sur le plan politique également. Mais sa localisation était restée problématique. Il a alors fallu attendre des décennies pour surmonter quantité d’obstacles, notamment administratifs, avant de songer à mener des fouilles sur le site côtier le plus prometteur. En 2007, on a fait une découverte charnière. Puis dix ans encore se sont écoulés jusqu’à la preuve que l’on était bel et bien dans le sanctuaire ; et c’est en 2020 seulement que l’on a atteint le temple tant recherché… De toute cette aventure, je retiens deux leçons centrales : la patience et l’espoir. Car il en faut pour pratiquer le métier de chercheur !