Communiqué

Les liens de parenté entre fougères revus et corrigés

31 janvier 2024

Des botanistes de l’Université de Neuchâtel ont contribué à préciser les liens de parenté entre des fougères endémiques d’Afrique du Sud et d’autres espèces de cet ordre. Ce résultat provient d’une importante mise à jour de la classification génétique de ces végétaux primitifs dont les origines datent d’il y a 360 millions d’années. Il a fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Frontiers in Plant Science.

«Tout a commencé dans les années 1990 en Alaska, lors de l'étude de plantes aux alentours d’un lac récemment formé, se souvient le botaniste Jason Grant, professeur au Laboratoire de génétique évolutive à l’Université de Neuchâtel et co-auteur de l’étude. Aux côtés des plantes habituelles qui revégétalisaient la zone, comme des carex ou des saules, sont apparues différentes fougères miniatures à la morphologie simplifiée. L'une d'entre elles s'est avérée être une nouvelle espèce que nous avons nommée Botrychium alaskense

Or les genres de fougères Botrychium et Ophioglossum sont très répandus dans des régions tempérées comme la Suisse, et sont eux-mêmes apparentés à des genres bien plus rares comme Rhizoglossum que l’on trouve en Afrique du Sud. Les chercheurs se sont alors demandé quels étaient les liens précis de parenté entre ces différents genres. «Nous avons alors spécifiquement collecté des échantillons de Rhizoglossum bergianum. Une analyse d’ADN, réalisée pour la première fois sur ce genre de fougère, a ensuite confirmé son statut de genre monotypique unique, donc propre à cette région du monde».

Contemporaines du tyrannosaure

Les premières fougères remontent à la fin du Dévonien, une période comprise entre 419 et 359 millions d’années avant notre ère. Elles ont véritablement dominé la planète au Carbonifère (de -359 à -299 millions d’années). Mais c’est au Crétacé (de -145 à -66 millions d’années), à l’époque des dinosaures Tyrannosaurus et Triceratops, que les genres de fougères actuels se sont diversifiés. Certains groupes ont vu leur nombre d'espèces augmenter au fil du temps, mais beaucoup ont conservé une morphologie simple, ce qui nous amène à les considérer comme des fossiles vivants. D'autres espèces se sont éteintes et ne sont connues aujourd'hui plus que sous la forme d'empreintes ou de composants de charbon.

De nos jours, les fougères croissent sur tous les continents à l'exception de l'Antarctique. Elles sont présentes dans une vaste gamme d'écosystèmes, depuis des hotspots de biodiversité dans les Andes tropicales ou en Asie du Sud-Est, jusqu'aux forêts de feuillus du Nord et dans l'Arctique.

Les fougères se reproduisent grâce à des spores transportées par le vent et nombre d'entre elles prospèrent en tant qu'espèces pionnières sur des sols pauvres. Elles colonisent les terres après des perturbations naturelles, que sont des glissements de terrain ou des ouragans dévastant des forêts tropicales. De nombreuses espèces ont par conséquent conquis une vaste aire de répartition et peuvent également présenter une grande diversité morphologique.

Contact :

Prof. Jason Grant
Laboratoire de génétique évolutive
Tél. +41 32 718 39 58
jason.grant@unine.ch


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Botryche lunaire (Botrychium lunaria). Photo: Jason Grant

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Fougère d’Afrique du Sud. Photo: Christopher Whitehouse

Référence scientifique :

Li-Yaung Kuo et al., Organellar phylogenomics of Ophioglossaceae fern genera, Front. Plant Sci., 15 January 2024, Sec. Plant Systematics and Evolution, Volume 14 – 2023; https://doi.org/10.3389/fpls.2023.1294716

Ce travail découle d'un projet de recherche du Fonds national suisse (FNS) intitulé « Getting to the roots in the fern phylogeny – phylogenetics and biogeography of the Ophioglossaceae and the grape-ferns (Sceptridium) ».