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Le prélat

Jean Du Bellay est un prélat d'Etat. Il est de ceux qui, avec de grands seigneurs, des hommes de loi, de hauts dignitaires et des favoris, appartiennent au Conseil du roi.
Sa naissance ne destinait pas Jean Du Bellay à ce rang. Il commence sa carrière ecclésiastique en devenant évêque de Bayonne puis, en 1532, de Paris. Il est encore et simultanément évêque de Limoges, du Mans et archevêque de Bordeaux. Mais c'est surtout par le cumul d'abbayes qu'il tire d'opulents moyens d'existence. En 1547, Henri II l'autorise à transférer annuellement de France à Rome 35'000 écus. Promu cardinal en 1535, Jean Du Bellay séjourne à Rome à plusieurs reprises, et même en permanence de 1547 à 1550, puis de 1553 à sa mort en février 1560. En mai 1555, Paul IV le récompense de son appui lors de son élection en le nommant doyen du Sacré Collège, au grand désappointement du cardinal de Tournon et au mécontentement de Henri II.

L'ascension de Jean Du Bellay s'explique par le clientélisme: elle est due en partie à l'appui de personnages très proches du roi, Anne de Montmorency, Marguerite de Navarre et encore la duchesse d'Etampes. Ses propres ressources et ses relations lui permettent de promouvoir des membres de sa famille (par exemple Eustache Du Bellay, en faveur duquel il résigne l'évêché de Paris en 1551) et de récompenser des serviteurs (par exemple François Rabelais, son médecin, auquel il donne des cures dans le diocèse du Mans et dans celui de Paris).

Ce grand prélat a une formation de juriste et pas de théologien. Son attitude en matière religieuse est d'ailleurs très influencée par des considérations politiques. Humaniste ouvert aux idées nouvelles, hostile à la Sorbonne et aux conservateurs comme le chancelier Duprat ou le président Lizet, Jean Du Bellay est proche de l'évangélisme de Marguerite de Navarre. Pendant tout le règne de François Ier, il protège de nombreux adhérents à la Réforme en France et il s'attira ainsi la sympathie des protestants dans l'Empire. Sa défense des intérêts de Henri VIII lors de l'annulation de son mariage avec Catherine d'Aragon contribue aussi à semer le doute sur son orthodoxie religieuse.

Sous le règne de Henri II, vivant hors de France, Jean Du Bellay n'a plus l'occasion d'y côtoyer des réformés et à Rome il ne semble pas avoir de contacts avec des dissidents religieux. Il condamne même sévèrement les « athéistes » anglais lors du conflit de 1548 entre Henri II et Edouard VI.
Sur le plan religieux comme politique, Jean Du Bellay est gallican : il défend les intérêts du roi de France.

 

"Et, m'ayant sa Sainteté mis en bien longs raisonnements, j'ai cherché tous les coins, recoins et cabinets de ce vieil et renardique cerveau"
(Jean Du Bellay à Anne de Montmorency, 26 janvier 1548, Rome; les passages en italique sont chiffrés)