Communiqué

Le mérou sait choisir le meilleur compagnon de chasse

09 septembre 2014

Incapable de se faufiler dans certaines anfractuosités des rochers coralliens, le mérou a souvent besoin d’aide pour atteindre ses proies. Voilà pourquoi il chasse en compagnie d’autres espèces plus agiles, comme la murène. Emmenés par le professeur d’écoéthologie à l’Université de Neuchâtel Redouan Bshary, des chercheurs ont découvert le mérou capable de décider quand il avait besoin d’aide, et surtout de distinguer, entre deux murènes, laquelle sera la plus apte à cette tâche. C’est la première fois qu’une telle compétence de recrutement est révélée chez d’autres espèces animales que des chimpanzés. Elle a fait l’objet d’une publication dans la revue Current Biology.

Demander de l’aide pour mieux chasser, cela paraît une évidence pour des espèces sociales proches des humains, comme les singes. Mais trouver de telles compétences dans le monde marin a de quoi surprendre, d’autant qu’il s’agit de collaborations entre individus de différentes espèces. Cette particularité s’explique pourtant : les poissons qui sont trop grands et n’ont pas de bras pour saisir des proies cachées sous des rochers doivent trouver des parades pour se nourrir. Elle illustre la capacité des espèces marines à tirer le meilleur parti de compétences complémentaires. Ainsi le mérou demande l’aide d’une murène qui, elle, est capable de s’y faufiler pour saisir la nourriture qui sera partagée avec son compagnon de chasse.

Plus intéressant encore est le fait que le mérou apprend très vite à distinguer un partenaire de chasse performant ou non. « Dans notre expérience qui se déroulait en aquarium, explique Redouan Bshary, la murène était remplacée par un modèle qui imite parfaitement le comportement du poisson dans les récifs. Quand une murène compétente était choisie, le modèle s’approchait du rocher où se cachait la proie, et le mérou recevait une récompense. Si le mérou choisissait une murène non-performante, celle-ci s’éloignait du lieu où la proie était repérée, et le mérou ne recevait pas de nourriture. Nous avons observé que s’il s’était trompé, le mérou corrigeait le tir dès la deuxième séance d’essai déjà. » A la fin des expériences, les mérous étaient relâchés dans leur habitat naturel, en l’occurrence la Lizard Island en Australie.

L’équipe de Redouan Bshary, composée de son doctorant australien Alex Vail et de sa collègue Andrea Manica, tous deux de l’Université de Cambridge, avait déjà démontré il y a un an que le mérou pouvait indiquer, par une position spécifique de son corps dans l’eau, la présence d’une proie sous un rocher. Ce signal avait pour effet d’inviter une murène, un labre Napoléon ou une pieuvre à participer à la partie de chasse proposée par le mérou.

Ces résultats illustrent l’incroyable potentiel cognitif des poissons, qui n’est donc pas juste l’apanage des êtres à sang chaud, comme les mammifères ou les oiseaux. Ils invitent à mieux considérer le monde marin, et à le préserver d’autant qu’il devient de plus en plus difficile de trouver des mérous dans la Grande Barrière de corail australienne où l’espèce est en déclin.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Prof. Redouan Bshary
Laboratoire d’écoéthologie
Tél. : 032 718 30 05
redouan.bshary@unine.ch

En savoir plus :

Article scientifique :

Fish choose appropriately when and with whom to collaborate
http://www.cell.com/current-biology