Communiqué

Le coucou en odeur de sainteté dans Science

20 mars 2014

Des biologistes de l’Université de Neuchâtel (UniNE) ont apporté leur contribution à une vaste étude espagnole portant sur les interactions entre un coucou et les occupants originels des nids qu’il parasite. Les chercheurs de Neuchâtel ont mis en évidence qu’une odeur infecte émise par le jeune coucou pour repousser ses prédateurs profite également à la survie de sa couvée d’accueil. Il s’agit là d’un exemple rarissime de parasitisme transformé en mutualisme, autrement dit en une relation qui profite aux deux protagonistes. Ces résultats sont publiés aujourd’hui dans la revue Science.

« Squatteur » patenté des nids d’autrui pour assurer sa descendance, le coucou geai (Clamator glandarius) doit son salut à la relation privilégiée qu’il entretient avec ses parents d’accueil, des corneilles noires (Corvus corone corone) dans le cas présent. Ici, plusieurs particularités distinguent le coucou geai des autres oiseaux parasites: il ne se débarrasse pas de ses frères et sœurs adoptifs. Et surtout, sa présence constitue un atout pour la couvée parasitée, selon l’étude dirigée par Daniela Canestrari et Vittorio Baglione des universités espagnoles d’Oviedo et de Valladolid. En effet, quand il est menacé, l’oisillon relâche une excrétion particulièrement nauséabonde qui dissuade nombre de prédateurs cherchant à attaquer le nid qui l’héberge. Mais quelles substances jouent cet effet répulsif ?

Exposée lors d’un séminaire donné à l’Université de Neuchâtel par Vittorio Baglione, l’interrogation titille Ted Turlings, professeur en écologie chimique à l’UniNE. Membre de l’équipe de ce dernier, Gregory Röder a analysé la composition de l’odeur particulière émise par le jeune coucou, vraisemblablement grâce aux glandes situées au niveau du cloaque. Les résultats sont répugnants à souhait. On y découvre un mélange de molécules hautement caustiques et répulsives, comprenant plusieurs acides organiques malodorants, tel l’acide butyrique (l’odeur caractéristique du vomi), des exhalaisons soufrées rappelant le cadavre en putréfaction, des excréments, ou encore des relents évoquant la viande rance de chèvre et les œufs pourris.

Afin d’évaluer le pouvoir répulsif de cette mixture fétide, des blancs de poulet en ont été badigeonnés avant d’être proposés aux prédateurs potentiels des nids de corneilles. Leur réponse est invariablement un net dégoût. Pour aller plus loin, les scientifiques neuchâtelois ont encore concocté une solution artificielle imitant fidèlement les odeurs des excrétions naturelles, mais sans leur texture visqueuse, ni leur coloration noirâtre. Odorant comme l’original mais invisible, ce mélange testé auprès d’une large gamme de prédateurs démontre incontestablement que les odeurs émises par les jeunes coucous suffisent à défendre efficacement les nids d’hébergement. En parallèle à l’histoire principale publiée dans la revue Science, cette recherche complémentaire fera l’objet d’un autre article dans le périodique The Journal of Chemical Ecology.

Ces travaux offrent une belle explication aux observations des collègues en Espagne qui de leur côté avaient mis en évidence sur le terrain que la présence du coucou n’affectait en rien la capacité de reproduction globale des populations de corneilles. Ils viennent ainsi éclairer une étude de longue haleine qui a débuté en 1995 dans le nord de l’Espagne et dont le travail le plus marquant a consisté à observer et manipuler près de neuf cents nids de corneilles et leurs coucous durant seize ans.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Dr Gregory Röder
Laboratoire d'écologie chimique FARCE
Tél.: +41 32 718 31 29
gregory.roeder@unine.ch

Prof. Ted Turlings
Laboratoire d'écologie chimique FARCE
Tél.:+41 32 718 31 58
ted.turlings@unine.ch

 

Bébés corneilles avec jeune coucouPhoto : Vittorio Baglione. Bébés corneilles hurlants avec jeune coucou tapis au fond de leur nid.

En savoir plus :

D. Canestrari, D. Bolopo, T. C. J. Turlings, G. Röder, J. M. Marcos and V. Baglione (2014)
From parasitism to mutualism: unexpected interactions between a cuckoo and its host, Science, (DOI:10.1126/science.1249008)