Communiqué
Comment la dendrochronologie et le carbone 14 ont-ils révolutionné l'archéologie lacustre ?
03 avril 2014
La dendrochronologie est une méthode de datation basée sur les cernes du bois. Appliquée aux vestiges lacustres, elle fait la fierté de Neuchâtel, qui a été le deuxième lieu en Suisse à disposer d’un laboratoire destiné exclusivement à la datation de bois archéologiques. Outre des avancées capitales dans la connaissance du Néolithique et de l'âge du Bronze, la dendrochronologie a permis de recalibrer les datations au carbone 14, méthode phare de l’archéologie moderne. Doctorante à l’Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel, Géraldine Delley s’est intéressée aux modalités d'intégration de ces nouveaux outils dans la recherche lacustre suisse entre 1950 et 1980. Elle soutiendra ce vendredi sa thèse réalisée sous la supervision de Marc-Antoine Kaeser, directeur du Laténium et professeur associé à l’Université de Neuchâtel.
Historienne de l’archéologie, Géraldine Delley s’est penchée sur les collaborations entre archéologues, physiciens, botanistes que ces méthodes ont impliquées. Elle évoque les malentendus que ces approches ont suscités dans le contexte archéologique, et lacustre en particulier. Sans oublier les tours de force politiques qui ont été nécessaires pour disposer de ces méthodes dans différentes régions lacustres de Suisse.
« Ce travail reconstitue les étapes qui ont conduit au développement de ces outils de datation des Etats-Unis à la Suisse, indique Géraldine Delley. Il analyse du point de vue de l’histoire sociale comment ces méthodes se sont institutionnalisées dans le contexte scientifique d'après-guerre et comment elles ont été accueillies puis mises en pratique par les archéologues suisses impliqués dans la fouille de sites lacustres. »
Dans notre pays, ce sont en effet les sites préhistoriques lacustres qui ont amené dès les années 1950 les chercheurs à s’intéresser au carbone 14 et à la dendrochronologie. En 1974, Neuchâtel a su tirer son épingle du jeu dans ce dernier domaine, à la faveur du chantier de l’autoroute N5. La ville aux pierres jaunes s’est en effet vu doter d’un laboratoire de dendrochronologie dédié spécifiquement à l'archéologie, soit cinq ans après Zurich, qui a accueilli la première unité en Suisse de ce type.
« Ces deux méthodes ont l’avantage d’offrir des datations absolues aux archéologues, indique Géraldine Delley. Elles sont complémentaires, mais leur champ d’application varie. » La dendrochronologie exige des bois bien conservés, une qualité que présentent les pieux immergés des sites lacustres. Pour ce qui est des sites purement terrestres, seul le carbone 14 peut servir à la datation, puisque dans ce contexte les vestiges organiques résistent rarement aux ravages du temps. Ce qui est regrettable du point de vue de la précision des résultats. « En effet, si l’objet est en chêne, la dendrochronologie permet de le dater jusqu’à un an près et ce, sur des milliers d’années, relève la jeune archéologue. Alors que le carbone 14, lui, présente des résultats avec une marge d’erreur comprise entre 25 et 50 ans environ.
La mesure des cernes des arbres a fait avancer la connaissance de la préhistoire européenne, en traçant une échelle de temps remontant jusqu’à 10'000 ans avant notre ère, si l'on tient compte également des bois non lacustres. Dès les années 1970, cette méthode a notamment montré que le Néolithique a débuté en Suisse vers 5000 av. J.-C. (contre 3000 av. J.-C auparavant) et a duré 2500 ans (contre à peine 1000 ans auparavant).
« La dendrochronologie nous a aussi beaucoup appris sur la manière dont se construisaient les villages du Néolithique et de l'âge du Bronze », rappelle Géraldine Delley. Sur des sites comme ceux de la baie d’Auvernier et de Cortaillod-Est, les archéologues ont pu déduire certains détails comme l’ordre dans lequel on édifiait les différents bâtiments ou encore la manière dont les villageois s'approvisionnaient en bois de construction.
Contact :
Géraldine Delley
Institut d’archéologie
Tél. +41 32 718 18 09
geraldine.delley@unine.ch
Prof. Marc-Antoine Kaeser
Chaire d’archéologie préhistorique
Directeur du Laténium.
Tél. : +41 32 889 89 15
marc-antoine.kaeser@unine.ch
Photo : Office du patrimoine et de l'archéologie du canton de Neuchâtel (OPAN)
Mesure de bois au laboratoire de dendrochronologie neuchâtelois situé au Laténium
En savoir plus :
Géraldine Delley, "Au-delà des chronologies. Des origines du radiocarbone et de la dendrochronologie à leur intégration dans les recherches lacustres suisses."
Soutenance de thèse.
Vendredi 4 avril 2014 à 14h00
Auditoire Michel Egloff
Laténium, Hauterive.