Communiqué

"Mariages forcés" : une étude de l'UniNE analyse les causes et propose des remèdes

09 août 2012

En Suisse, ces deux dernières années, on peut estimer à près de 1400 le nombre de personnes ayant subi des pressions de leur entourage, soit pour se marier, pour rompre une relation amoureuse, ou encore pour renoncer à un divorce.. C’est ce qui ressort d’une étude commandée à l’Université de Neuchâtel par l’Office fédéral des migrations (ODM) et qui a été dévoilée ce matin par la Conseillère fédérale Mme Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et police. Cette étude analyse les causes de ces situations de contrainte et préconise, pour y remédier, de cesser de développer des mesures distinctes, spécifiques pour les migrant-e-s, mais plutôt de traiter cette problématique comme une forme de violence domestique - problématique bien connue en Suisse aussi.

Suite à la motion d‘Andy Tschümperlin (« Aider efficacement les victimes de mariages forcés » du 11.12.2009), l’Office fédéral des migrations (ODM) a mandaté deux chercheuses de l’Université de Neuchâtel – Prof. Dre Janine Dahinden et Dre Anna Neubauer – pour étudier les causes, les formes et l'ampleur des « mariages forcés » ainsi que le profil des victimes et établir un catalogue de mesures à prendre.

Trois types de situation
Les chercheuses de l’Université de Neuchâtel ont répertorié trois types de situation dans lesquelles des personnes sont mises sous pression par leur entourage (parents, membres de la famille élargie, futur-e conjoint-e, ami-e-s ou autres) dans le cadre du mariage, des relations amoureuses ou du divorce:
Type A : Une personne subit des pressions pour accepter un mariage dont elle ne veut pas.
Type B : Une personne subit des pressions pour renoncer à une relation amoureuse de son choix.
Type C : Une personne subit des pressions pour renoncer à demander le divorce (le mariage peut avoir été conclu volontairement ou non).

Chiffrer avec précision le nombre de cas concernés est quasi impossible. Cependant, en fonction des données recueillies auprès des professionnels et des organisations concernés, les chercheuses ont pu évaluer ce nombre à près 1400 cas durant les deux dernières années : 348 cas de type A, 384 cas de type B et 659 cas de type C. Les pressions exercées pour renoncer à une demande en divorce, bien plus nombreuses que les deux autres types, constituent près de la moitié des cas. Ces résultats montrent que sous les termes « mariages forcés » se cachent des situations très diverses de contraintes en lien avec le mariage, les relations amoureuse ou le divorce.

Profils hétérogènes mais forte composante migratoire et transnationale
Il n’existe pas de profil-type des personnes concernées par le mariage forcé. Cependant, en ce qui concerne les types A et B, il s’agit surtout de jeunes femmes entre 18 et 25 ans, d’origine étrangère (principalement des Balkans, de Turquie et du Sri Lanka) qui sont généralement bien intégrées au marché du travail ou au système éducatif en Suisse.
Des différences entre les générations de même que des aspects liés à la politique migratoire sont généralement à l’origine de ces situations. Souvent, les parents espèrent protéger les jeunes en les gardant au sein de la communauté ethnique, nationale, linguistique ou religieuse, ce qui, à leurs yeux, garantit une certaine sécurité et un mariage durable. Mais les enfants, qui ont grandi ici, ont d’autres conceptions des relations amoureuses et du choix du partenaire, ce qui mène à des conflits de générations. Par ailleurs, un mariage transnational peut aussi être une stratégie de migration puisqu’il permet l’octroi d’un permis de séjour pour le conjoint étranger non-européen et peut être conçu comme un devoir de solidarité envers la communauté d’origine.

Le profil des cas de type C, est différent : il s’agit généralement de femmes de plus de 25 ans, nées à l’étranger, souvent dépendantes économiquement de leur mari et dont le statut de séjour est précaire. Dans le cas de femmes qui disposent d’un permis B grâce à leur mariage, la crainte de perdre leur autorisation de séjour peut les contraindre de rester auprès d’un mari violent.

Traiter le « mariage forcé » comme une forme de violence domestique
L’étude formule toute une série de recommandations pour une prise en charge efficace des personnes devant faire face à des contraintes en lien avec le mariage, les relations amoureuses ou le divorce. Elle préconise notamment, plutôt que de développer des mesures distinctes et spécifiques aux migrant-e-s, de traiter cette problématique dans le cadre plus large des violences domestiques. La thématique de la violence domestique est en effet bien connue aussi au sein de la population suisse et plusieurs stratégies ont été mises en place dans tout le pays à différents niveaux ces dernières années. Il s’agirait donc d’intégrer les mesures nécessaires dans ces structures, en les renforçant et en prenant en compte l’aspect migratoire et transnational de la problématique.

Le communiqué au format PDF

Contact :

Janine Dahinden
professeure Chaire d’études transnationales
Maison d’analyse des processus sociaux
Université de Neuchâtel
Tél. : +41 79 734 71 67,

Anna Neubauer

chercheuse post-doc
Laboratoire d’études transnationales
Maison d’analyse des processus sociaux
Université de Neuchâtel
Tél. : +41 79 537 63 07
anna.neubauer@unine.ch

En savoir plus :

"Mariages forcés" en Suisse : causes, formes et ampleur
Résumé de l'étude

"Zwangsheiraten" in der Schweiz : Ursachen, Formen, Ausmass
Zusammenfassung der Studie


Etude complète