La vie après l'UniNE

« Bien repérer ce qu’on aime faire »

Serge Maillard Journaliste et éditeur

Après l’obtention de son Master en journalisme et communication en 2011, Serge Maillard a rejoint l’équipe de l’agence de presse genevoise LargeNetwork. Quatre ans plus tard, il coiffe une nouvelle casquette, celle de codirecteur des éditions Europa Star HBM, une entreprise familiale spécialisée dans l’horlogerie.

Après avoir été journaliste, vous voilà responsable éditorial, qui plus est dans l’entreprise familiale. Ça faisait partie de votre plan de carrière?

Pas du tout! Ma vocation a toujours été le journalisme. Avec ma famille, nous n’avions d’ailleurs jamais évoqué mon avenir dans l’entreprise. Il a fallu que mon oncle, le cinéaste Pierre Maillard, s’absente temporairement pour réaliser sa nouvelle fiction De l’autre côté de la mer, pour que l’idée germe. Mon père m’a demandé de les rejoindre pour le remplacer pendant six mois. Ça m’a plu et j’ai décidé d’y rester.

Vous découvrez non seulement un nouveau métier, mais aussi tout un monde, celui de l’horlogerie. Parlez-nous un peu d’Europa Star…

Passionné par l’horlogerie, mon arrière-grand-père a lancé en 1927 un annuaire, le Guide des acheteurs pour l’horlogerie, la bijouterie et les branches annexes, qui s’est rapidement imposé comme un outil d’information essentiel pour la branche, à une époque où il n’y avait pas internet. Ce guide s’est transformé au fil des ans en différentes revues publiées dans le monde entier en espagnol, anglais, français, chinois, etc. Aujourd’hui, la société couvre 164 pays à travers un vaste réseau de publications print et digitales bimestrielles dédiées à l’horlogerie, la bijouterie, mais aussi la microtechnique. Nous sommes une équipe de dix personnes basée à Genève avec des correspondants en Chine, en Espagne, en Ukraine… Quel est votre travail au quotidien?

Etre éditeur, c’est être journaliste, avec les soucis en plus! Il faut non seulement veiller à la production éditoriale, mais également à la vente du produit et à sa distribution. Malgré ces contraintes, la liberté décisionnelle et les possibilités d’innovation liées à ma nouvelle fonction me plaisent beaucoup. Et puis, je continue à me nourrir de journalisme: je lis toujours autant et rédige encore de nombreux articles. Dans le monde horloger, il y a un nombre incalculable de sujets et d’histoires à raconter: c’est un terreau très fertile pour un journaliste. Sans oublier que l’industrie horlogère se trouve à un moment charnière de son histoire avec l’arrivée de la montre connectée.

Vous dites que le journalisme était pour vous une vocation. Au terme de votre bachelor, la voie était donc toute tracée ?

Quand j’ai terminé mes études à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève, j’ai hésité avec la diplomatie, une fonction qui est à mes yeux assez proche du journalisme. J’avais d’ailleurs l’opportunité d’effectuer un stage au Consulat général de Suisse à Montréal. Ce qui m’a ramené à mon aspiration première, c’est la forte dose de créativité qui est inhérente au journalisme. J’ai toujours aimé le monde de l’écrit. Je n’ai jamais eu de prétention littéraire, mais quand j’écris, j’oublie le temps qui passe. J’ai donc opté pour un Master en journalisme et communication.

Quels sont à vos yeux les points forts du master de l’Université de Neuchâtel ?

Ce qui m’a attiré dans ce master, c’est la formation professionnalisante. J’ai parfois un peu de peine avec ce qui est très «théorique». Une partie des cours l’est encore trop à mon goût. J’ai spécialement apprécié les ateliers d’écriture donnés par les professionnels, tels que le journaliste et responsable de presse Peter Rothenbüler, Werner de Schepper, ancien rédacteur en chef du Blick, ou encore Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du quotidien français Le Monde. Avoir des intervenants qui savent de quoi ils parlent, qui ont vécu le journalisme «dans leur chair», c’est primordial!

J’ai également beaucoup aimé les stages en entreprise, prévus lors de la deuxième année. Le journalisme a cela de bien qu’on est tout de suite mis dans le bain. Lors de mon stage au quotidien Le Temps, un de mes articles a paru en deuxième page alors que je venais tout juste de commencer. Il n’y a que dans ce domaine où vous pouvez aussi rapidement faire vos preuves. On ne vous juge pas d’après votre CV, mais bien en fonction de ce que vous produisez. Il y a un aspect très démocratique qui me plaît beaucoup.

En outre, avoir l’opportunité de travailler dans plusieurs médias permet d’avoir non seulement une bonne vue d’ensemble du métier, mais aussi de «réseauter». Les universités devraient davantage s’inspirer de ce type de formations, alliant théorie et pratique. C’est de cette manière que j’ai été engagé par la suite chez LargeNetwork. J’y ai appris mon métier de journaliste, mais aussi celui d’éditeur, puisque nous étions appelés à gérer des projets dans lesquels nous devions réfléchir au contenu d’un ou de plusieurs magazines, à leur ligne graphique, etc. C’est d’une créativité incroyable.

Quel souvenir gardez-vous de Neuchâtel ?

C’est une ville dont je suis tombé amoureux, car il fait bon y vivre. Et en tant que Genevois, j’ai besoin de la proximité d’un lac! J’habitais en colocation avec d’autres étudiants près du Laténium, à Hauterive, un lieu idéal. Aujourd’hui, travaillant dans le domaine de l’horlogerie, j’y retourne souvent avec le même plaisir.

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant ou futur étudiant ?

De bien repérer au préalable ce qu’il aime faire. S’il a du plaisir dans un domaine, les études en seront facilitées. J’aimais lire: j’ai ciblé le monde de l’écrit. Je l’inciterais également à faire le plus rapidement possible des stages, ne serait-ce qu’une journée. Cela suffit parfois pour comprendre qu’on n’est pas fait pour un domaine auquel on se croyait prédestiné. Pour la petite histoire, mon frère qui adorait les animaux a fait un stage chez un vétérinaire. Ce jour-là, ils ont dû opérer un chien. Au moment où le vétérinaire a ouvert le ventre de l’animal, mon frère s’est évanoui. Il s’est rendu compte que ce n’était pas pour lui. Aujourd’hui, il travaille dans la biochimie: il analyse les molécules d’eau et ça lui va très bien! 

Interview UniNE 2016