Communiqué

Les singes aussi emploient des homonymes dans leur langage

05 juin 2013

A l’image des homonymes qui se prononcent de la même manière mais qui ont des significations différentes, deux cris semblables d’un singe peuvent susciter des réactions diverses chez l’auditoire en fonction du contexte sonore. Primatologue à l’Université de Neuchâtel, Klaus Zuberbühler et sa collègue Kate Arnold de l’Université de St-Andrews (UK) ont observé le comportement des hocheurs, singes d’Afrique de la famille des cercopithèques, pour lesquels une alerte à un prédateur peut tout aussi bien signaler l’approche d’un groupe de singes. Leurs résultats sont publiés aujourd’hui dans la revue scientifique en ligne PlosOne.

La plupart des primates disposent d’un éventail de cris d’alarme qu’ils émettent en fonction de prédateurs qu’ils aperçoivent. Ainsi en est-il des singes vervets. S’ils lancent une alerte à l’aigle, le groupe qui les entend réagit en se cachant dans la végétation. Si c’est pour signaler un léopard en affût, les singes vont grimper aux arbres jusqu’à la canopée.

Pour cette étude, Kate Arnold et Klaus Zuberbühler se sont intéressés à une autre espèce de singes d’Afrique, les hocheurs. Et ils ont noté des interprétations similaires : « hak » veut dire « aigle » et « pyow » signifie « léopard ». Mais les « hak » et « pyow » sont parfois émis pour des événements sans rapport avec la présence d’un prédateur. La menace d’un arbre qui tombe fera émettre un « hak », alors que les « pyow » sont aussi produits pour signaler des groupes de singes dans le voisinage.

Les scientifiques ont cherché à savoir comment les protagonistes s’y prenaient pour lever ces ambiguïtés. Ils ont donc testé les réactions d’un groupe de six femelles hocheurs du parc national Gashaka Gumti (Nigeria) à des « hak » ou de « pyow » associés à d’autres bruits. « Ainsi le son « hak » précédé par le bruit de chute d’arbre fera tourner le regard vers le ciel moins longtemps que la réaction à un « hak » tout seul, car les singes chercheront ailleurs qu’au-dessus de leurs têtes la source de ce signal. »

Ces résultats constituent la première preuve tangible de la capacité de certains singes à interpréter le sens de cris en fonction du contexte qui les accompagne. Ils soulignent le caractère pragmatique des hocheurs dans leurs réactions face à une information qui peut prêter à confusion.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Prof. Klaus Zuberbühler
Directeur du Laboratoire de cognition comparée
Tél. 032 718 31 05
klaus.zuberbuehler@unine.ch

  

Singe hocheur. Photo : Kate Arnold, Université de St-Andrews (UK)

En savoir plus :

Arnold K, Zuberbühler K (2013)
Female Putty-Nosed Monkeys Use Experimentally Altered Contextual Information to Disambiguate the Cause of Male Alarm Calls
PLoS ONE 8(6): e65660. doi:10.1371/journal.pone.0065660