Alain Berset
Le nouveau conseiller fédéral est passé par l'Université et le Château
Bonne nouvelle ! Pour son épouse en particulier... L'homme qui n'a aucun défaut existe. Il a pour nom Alain Berset et, depuis mercredi, c'est le 115e conseiller fédéral. Le Fribourgeois n'a droit qu'à des adjectifs élogieux de la part des personnes que nous avons contactées et qui l'ont côtoyé alors qu'il était étudiant, puis doctorant, enfin conseiller stratégique. Le tout à Neuchâtel, d'abord à l'Université, puis au Département cantonal de l'économie.
"Un défaut ? Ecoutez, je n'ai pas vécu en concubinage avec lui, mais franchement, je n'ai que des souvenirs positifs d'Alain Berset" , sourit Denis Maillat, ancien professeur à la faculté de sciences économique et qui fut son directeur de thèse. "Après sa licence en sciences politiques, j'ai été bien content qu'il rejoigne mon équipe. C'était un garçon extrêmement sérieux, intelligent, rapide, loyal et qui aimait approfondir les sujets. Il a été en contact avec de grands spécialistes de notre domaine, ce qui lui a permis d'apporter des informations de pointe. J'ai eu beaucoup de plaisir à l'avoir comme doctorant, et il a fait une excellente thèse." "Je ne me souviens pas d'un défaut" , témoigne lui aussi Claude Jeanrenaud, son ancien professeur d'économie publique. Avant de dresser la liste des "points communs'' avec un certain Didier Burkhalter: "Je les ai eus comme étudiants, à une douzaine d'années d'intervalle. Tous deux étaient calmes, décidés, motivés, bien organisés, rapides. Ils se fixaient des objectifs et ils les atteignaient. Alors que pour certains étudiants, on se demande parfois s'ils finiront un jour leur travail..."
Si Claude Jeanrenaud mentionne le nom de Didier Burkhalter, c'est parce que "ça nous en fait deux!" , lance-t-il malicieusement. Allusion au fait que la faculté des sciences économiques de l'Université de Neuchâtel a formé deux des sept conseillers fédéraux actuels.
Le professeur se souvient également d'eux comme d'excellents sportifs, Didier Burkhalter le footballeur, Alain Berset l'athlète (400 et 800 mètres). Le Fribourgeois était aussi amateur de musique: "Il louait une chambre voisine de mon appartement. Et pas plus tard qu'il y a deux semaines, il m'a avoué qu'il avait toujours eu peur que sa musique me dérange..."
Prudent, pas réservé
On passe en 2002. C'est l'année où le conseiller d'Etat neuchâtelois Bernard Soguel engage Alain Berset comme conseiller stratégique. "Il y a eu une mise au concours" , raconte l'ancien ministre socialiste. "Et même si certains ne me croient toujours pas: non, je ne connaissais pas Alain Berset, non, je ne savais pas qu'il était socialiste. J'ai découvert ses qualités lors de l'entretien d'embauche.''
Et c'est reparti pour une liste impressionnante: "C'est quelqu'un qui respirait l'intelligence, il était clair dans ses propos, précis, rapide, concret et très créatif." Et le côté lisse que certains lui reprochent? "Il n'est surtout pas lisse" , répond Bernard Soguel. "Il donne l'apparence d'une certaine réserve, mais je parlerais plutôt de prudence, au sens positif du terme. Il réfléchit vite, mais il ne se précipite pas comme un taureau contre les murs. Le fait que son parcours ne comprenne aucun accroc en témoigne."
Happé par la politique
Nous avons quand même fini par trouver quelqu'un qui a émis un regret. Sauf que ce regret parle une fois de plus en faveur du nouveau conseiller fédéral: "Alain Berset a été trop vite happé par la politique. C'est dommage pour le monde universitaire et celui de la recherche" , déplore Olivier Crevoisier, lui aussi ancien professeur d'économie du Fribourgeois (il l'avait par ailleurs engagé dans le cadre d'une recherche d'envergure nationale). Il est vrai qu'à l'époque, il avait déjà un sens politique très marqué."
Fichues qualités !
Sciences politiques, puis économiques
Alain Berset a effectué l'intégralité de ses études universitaires à Neuchâtel. Il s'est inscrit en 1992 en sciences politiques, avec licence en 1996. A partir de 1999, il a entamé un doctorat en sciences économiques au sein de l'Institut de recherches économiques et régionales (Irer, aujourd'hui Irene). Spécialisé dans les domaines du développement économique régional et des migrations, Alain Berset a publié des contributions scientifiques aux côtés des professeurs Denis Maillat, Olivier Crevoisier et François Hainard.
Alain Berset a soutenu sa thèse en 2005, il y a donc six ans seulement. Pourquoi lui a-t-il fallu autant de temps pour la mener à son terme? Parce que le socialiste fribourgeois s'est lancé dans la politique dans l'intervalle, puis dans la vie professionnelle, durant deux ans, au sein du Département cantonal neuchâtelois de l'économie (lire ci-dessus). Titre de sa thèse: "Transformation des systèmes locaux d'emploi et compétitivité des régions - Le rôle des migrations internationales".
Selon le professeur Claude Jeanrenaud, "si Alain Berset a choisi de venir étudier à Neuchâtel, c'est sans doute parce que l'Université de Fribourg ne permettait pas d'obtenir une licence en sciences politiques. Il aurait pu choisir une autre Université, Lausanne par exemple, mais Neuchâtel présentait l'avantage d'offrir un tronc commun de deux ans comprenant également des sciences économiques. Un domaine vers lequel il a d'ailleurs bifurqué par la suite."
Le mois dernier, malgré un calendrier extrêmement chargé, Alain Berset a encore témoigné de son attachement à l'Université de Neuchâtel en prenant part à la cérémonie de remise des diplômes de la faculté des sciences économiques.
Son épouse également
Pour la petite histoire, l'épouse d'Alain Berset est également liée à l'Université de Neuchâtel, plus particulièrement à la faculté des lettres: en 2007, sous la direction de la professeure Claire Jaquier, Muriel Zeender Berset a soutenu une thèse de doctorat intitulée "Littérature romande contemporaine et identités plurielles: le choix de l'écriture plurilingue" (thèse publiée en 2010 aux éditions Slatkine).
Du côté de Belfaux, chez les Berset, ça vole donc plutôt haut... PHO
