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Gustavo Modena

 

Enseignement populaire

 

 

Marseille, 1832

 

Version originale

Version PDF

 

Présenté par Giuseppe Perelli

Traduit par

 


Présentation

Né le 13 janvier 1803 à Venise, alors capitale de la province vénitienne d’Autriche, Gustavo Modena est à l’âge de dix-sept ans blessé au bras gauche lors d’une echauffourée suscitée par l’interdiction faite aux étudiants de se rendre au Teatro alla Scala de Milan pour d’assister aux représentations de Phèdre, l’Opéra de Giovanni Simone Mayr sur un livret de Luigi Romanelli. Se sentant en danger, il décide alors de quitter la ville de Padoue où il réalisait ses études et se rend à Bologne où il obtient son diplôme de laurea en droit, puis le titre d’avocat. Mais, à l’exercice de son métier, ce fils de comédiens préfère rapidement l’art dramatique qu’il interprète comme une forme de militantisme intrinsèquement politique et pédagogique.

La participation aux mouvements carbonaristes qui firent en Italie centrale écho à la révolution parisienne de Juillet contraint Gustavo Modena à s’exiler à Marseille où, au début du mois de juin 1831, il débarque avec une centaine d’autres révolutionnaires italiens. C’est dans la cité phocéenne qu’il entre dans le mouvement mazzinien Giovine Italia pour lequel il écrit des opuscules d’instruction publique, parmi lesquels se trouvent plusieurs catéchismes sous forme de dialogue. Au cours des années 1830, il se consacre à la question de l’instruction patriotique des classes populaires, y compris au moyen du théâtre et de la lecture publique. Ses lectures de la Divine Comédie de Dante rencontrent un très grand succès.

Publié en 1832 à Marseille, l’Insegnamento popolare est l’un de ces catéchismes d’exil. Présenté sous forme d’un dialogue entre un « novice » et son « frère de sang », l’opuscule s’ouvre sur les critiques que le premier adresse au libéralisme de la Jeune Italie, qualifié de « peste américaine », d’ « acide parisien » ou encore de « colère républicaine » et de poison. Ces idées, tout comme l’activité des sociétés secrètes, la liberté de la presse ou la décadence des mœurs, avaient été condamnées par le pape Grégoire XVI dans l’encyclique Mirari Vos (1832). La réponse du frère met en lumière un élément essentiel des idées progressistes du premier xixe siècle : la réappropriation de la religion chrétienne dans un sens évangélique. Selon cette réinterprétation, la charité, la fraternité et l’égalité ont pour fin le bien-être de l’homme ou, plus exactement, l’amélioration de sa condition. Or, à suivre Gustavo Modena, cet objectif émancipateur fut non seulement ignoré par des républiques antiques fondées sur l’inégalité des conditions et sur l’esclavage, mais aussi par de plus récentes républiques essentiellement oligarchiques.

 

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Dans ce catéchisme, une seconde réflexion sur la religion renvoie à la question de la conception de l’Église. Au cours du dialogue, le frère suggère en effet à diverses reprises que le Christ aurait fait allusion à une forme républicaine de l’Église avec l’intention d’y conférer une place centrale à la relation égalitaire entre les hommes, sans hiérarchie ou principe d’autorité exclusive. C’est pourquoi le pape, en renversant et trahissant les principes du christianisme originel, représente à ses yeux l’exact opposé du Christ. Le pape ne pourrait dès lors retrouver une véritable légitimité qu’à la condition de renouer avec ce message initial. Il lui faut renoncer au pouvoir temporel et se consacrer exclusivement au pouvoir spirituel et à la cure des âmes.

Gustavo Modena ne s’arrête pas à la simple critique du souverain pontife. La réalisation de l’Église-République qu’il appelle de ses vœux ne peut selon lui se faire qu’avec l’avènement de la Nation républicaine. Il instaure ainsi une relation renouvelée entre politique et religion qui n’est envisageable qu’au prix de l’éradication de celle qui existe entre Église et Monarchie. Cela ne deviendra possible que lorsque le pape et les autres princes et monarques auront définitivement laissé leur place « à la liberté européenne » et, donc, à la souveraineté des peuples européens.

De manière très significative, Gustavo Modena ajoute enfin que les mouvements révolutionnaires ont besoin d’une religion, d’une idée qui suscite l’enthousiasme, d’un mythe mobilisateur, pour que le peuple se soulève et lutte pour sa liberté. En faisant de la liberté une valeur essentielle et en véhiculant l’« interprétation véridique du dogme de Jésus Christ : aime ton prochain comme toi-même », la Giovine Italia pourrait incarner cette religion. Elle appelle en tout cas « à une croisade en faveur de l’humanité ». Les préceptes évangéliques sont dans cette optique interprétés et adoptés comme une sorte de grammaire dont le champ d’application est la politique.

En 1848, Gustavo Modena met encore une fois ses connaissances et ses compétences au service des révolutions qui éclatent dans les États italiens. Il publie opuscules, feuilles volantes et articles de journaux, et prend en 1849 part à la défense infructueuse de la République romaine contre les troupes françaises venues, sous le commandement du général Victor Charles Oudinot, à la rescousse du pape Pie IX. Cette nouvelle défaite républicaine le conduit à Turin où, parallèlement à ses succès au théâtre, il écrit des ouvrages en faveur d’une unité italienne officiellement proclamée quelques jours après son décès en février 1821.

 


Document

 

 

 


Bibliographie