Fermer
banniere_karch01.jpgbanniere_karch02.jpgbanniere_karch03.jpgbanniere_karch04.jpgbanniere_karch05.jpgbanniere_karch06.jpgbanniere_karch07.jpgbanniere_karch08.jpgbanniere_karch09.jpg

Eaux stagnantes

stehgewasser

La quasi-totalité des sites d’eaux stagnantes sont des sites potentiels de reproduction des amphibiens. Bien que la valeur des étangs artificiels, naturels ou des rives naturelles de lac soit en général bien connue, les petits voire les très petits points d’eau stagnante sont d’un point de vue de la protection des amphibiens considérés comme insuffisant. Beaucoup de ces mares stagnantes et de ces flaques, qui sont souvent considérées comme des dégâts au terrain sont fréquemment utilisées comme frayère par les amphibiens. Ces dernières peuvent être des traces laissées par de lourds véhicules circulant vers les places d’armes, des gravières ou des sites de coupe de bois en forêt, mais aussi des flaques en bord de chemins ou des cuvettes et des trous remplis d’eau comme par exemple des souches d’arbres déracinées en forêt. Les gouilles formées par le ruissellement, les souilles et les bauges laissées par les cerfs et les sangliers qui se couchent sur le sol, les petites accumulations d’eau au pied des falaises ou des berges sont autant de moyens naturels par lesquels ces petits points d’eau peuvent se former.
 
Les petits plans d’eau qui s’assèchent régulièrement sont appelés gouilles temporaires. La température de l’eau y est élevée, la végétation y est pauvre, voire inexistante et les prédateurs des amphibiens en sont souvent complètement absents. Les amphibiens comme le crapaud calamite ou le sonneur à ventre jaune sont des spécialistes de ce type de milieux. Les gouilles temporaires et les flaques valorisent l’habitat de la couleuvre à collier et assurent la reproduction de ces proies préférées : les amphibiens. Les gouilles temporaires disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, faisant ainsi partie de la dynamique naturelle de ces sites sans qu’il n’y aie de conséquence durable pour leurs habitants.

On désigne comme étang quelque chose rempli d’eau stagnante. Ils sont en général plus profonds que les gouilles temporaires mais la lumière du soleil pénètre sans problème jusqu’au fond. Certains étangs sont constamment en eau, d’autres s’assèchent de temps en temps. La plupart des étangs sont riches en plantes aquatiques et flottantes telles que les nénuphars et sont, dans la plus part des cas, entourés d’une ceinture de roseaux. La genèse des étangs naturels est très différente. Beaucoup sont nés dans des cuvettes ou dans des trous laissés par la fonte des glaciers après la dernière période glacière. Des étangs ont également pu se former là où les rivières et les ruisseaux ont déposés des sédiments argileux et ainsi créé des couches de sol imperméables.

Selon la qualité d’un étang, différentes espèces d’amphibiens peuvent y être présentes. Les points déterminants la qualité de l’étang sont sa surface, sa profondeur, sa température et l’écoulement d’eau, mais également si un ruisseau s’y jette ou non. Les étangs à eaux courantes sont relativement plus frais et intéressants pour les espèces qui sont adaptées à ces conditions et qui sont aussi présentes à plus haute altitude comme le triton alpestre, le crapaud commun et la grenouille rousse. Le crapaud accoucheur se sent également bien dans les eaux plutôt fraîches. Les étangs alimentés par des eaux souterraines sont particulièrement attractifs pour les amphibiens. Ils sont généralement plus chauds, et donc bien adaptés pour des espèces plus rares comme le triton crêté, le triton ponctué ou la rainette verte. Les rives peu profondes sont également très propices car, en fonction du niveau de l’eau, de nouvelles gouilles ou flaques peuvent se former en périphérie, ce qui offre à d’autres espèces des milieux différents et favorables en plus de l’étang principal. Dans ce type d’habitats, on trouve en général une grande quantité d’espèces, et pas uniquement des amphibiens. La couleuvre à collier est souvent présentes dans et autour des étangs. Au Tessin on peut y trouver la couleuvre tessellée et, alors que dans la couleuvre vipérine peut occuper ces habitats dans le canton de Genève. Le lézard vivipare et le lézard agile exploitent souvent les rives ensoleillées des étangs, surtout si des endroits plus secs sont disponibles.

Les étangs sont exploités par les humains depuis longtemps, ils ont même parfois été créés pour des besoins spécifiques. Ces étangs sont alors dit « artificiels ». Ils disposent souvent d’un système qui permet de vider l’étang. Ces étangs artificiels ont été utilisés pour la production de glace, d’arrosage des plants de chanvre ou pour l’irrigation. Ils ont aussi servi de réservoir pour actionner des roues à aubes ou les mécanismes des moulins et des scieries. A ce jour, les étangs à poissons ou à canards sont rares, et on observe encore ça et là des restes de bassins à incendie. Selon leur utilisation, les bassins artificiels peuvent être attractifs pour les amphibiens. Les bassins à incendie, typiques dans les régions de l’Emmental et d’Appenzell sont particulièrement appréciés du crapaud accoucheur comme frayère… et leurs chants proches du son d’une cloche sont encore audibles dans quelques jardins.

 

Le volume d’eau d’un lac est important et la lumière du soleil n’y atteint pas le fond. Ils sont toujours habités par des poissons. La température et la structure des rives vont déterminer quelles espèces d’amphibiens peuvent utiliser un lac comme frayère. Des rives escarpées et pauvres  en végétation, comme par exemples le lac des Quatre-Cantons ou de Brienz, sont le signe d’un lac de grande profondeur, et par conséquence avec des températures d’eau plutôt basse. Les lacs artificiels présentent généralement les mêmes caractéristiques. Ces eaux peuvent être utilisées par le crapaud commun, ceci d’autant plus qu’il tolère assez bien la présence de poissons. Dans des petits lacs, on trouve également des têtards de crapaud accoucheur, lesquels sont résistants aux températures froides. Les rives ensoleillées sont appréciées par la couleuvre à collier, plus particulièrement lorsqu’elles sont naturelles ou semi-naturelle. Dans les enrochements des rives des lacs suisses, on trouve fréquemment d’autres espèces de reptiles, pas obligatoirement des espèces semi-aquatiques, mais qui utilisent les enrochements et les pierres stabilisées de zones riveraines comme celles d’un éboulis. Dans ce type d’endroit, on trouve le lézard des murailles ainsi que différentes espèces de serpents.
 
La situation des lacs à rives peu pentues est différente : il y pousse une végétation flottante et subaquatique très riche qui forme de vastes roselières. La température de l’eau y est généralement élevée et les conditions thermiques semblables à celles d’un étang. Parmi les reptiles, on retrouve la cistude d’Europe et la couleuvre à collier, alors que les amphibiens sont représentés par la grenouille verte, le crapaud commun, la grenouille rousse, le triton alpestre, le triton palmé, et bien sûr la grenouille rieuse, espèce qui a été introduite. En Suisse, dans les lacs de plaine et donc plutôt chauds, on peut trouver également la rainette verte, le triton ponctué et le sonneur à ventre jaune. Si les roselières ne sont pas trop épaisses, on peut parfois même y trouver le crapaud calamite.

 

Les parties inondables le long des lacs sont les habitats les plus intéressants pour les amphibiens ; ces zones sont généralement inondées par les eaux de fonte qui s’écoulent des Alpes au printemps et en été. Elles sont des lieux de reproduction de nombreux poissons, amphibiens et invertébrés. Après l’inondation, ce type d’habitat se transforme naturellement en zone marécageuse et en prairie humide.
De nombreux lacs en bordure des Alpes – par exemple le lac des Quatre-cantons, de Thoune, de Brienz, le lac Majeur et le lac de Lugano – sont caractérisés par quelques traits communs: ils sont situés dans des vallées encaissées et profondes, avec des  rives escarpées et ont une profondeur d’environ 300 mètres. En règle générale, les zones riveraines sont peu végétalisées et composées de rochers et de pierres en dessous du niveau de l’eau. En raison de leur grande profondeur, les eaux restent relativement fraîches même en été.
 
Le crapaud commun vit dans les forêts escarpées qui entourent les rives des lacs de ces régions en périphérie des Alpes, et certaines de ces populations comportent encore un très grand nombre d’individus. Ce n’est qu’il y a environ 20 ans que la science c’est rendue compte à quelle point les rives de ces lacs étaient des zones de frai dignes d’intérêt. Une étude dans le lac des Quatre–Cantons à mis à jour d’étonnants résultats: dans ce type de milieu, les crapauds migrent vers les zones de frai cinq à sept semaines plus tard que leurs congénères qui frayent dans des étangs et non dans le lac. Les premiers crapauds n’apparaissent donc pas avant début avril aux abords du lac. Les habitats terrestres du crapaud commun peuvent se trouver à un voire deux kilomètres des rives du lac, et donc également une altitude plus élevée (jusqu’à 1’000m). Dans un milieu avec un climat plus froid, la période d’activité du crapaud arrive encore plus tardivement. Fait intéressant, tous les crapauds migrent de façon tout-à-fait synchrone vers les rives du lac, indépendamment du fait qu’ils se trouvent sur le versant sud, plus favorable, ou sur le versant nord, plus ombragé. Il est possible que la température de l’eau du lac soit l’élément crucial pour déclencher l’arrivée des individus, en effet, bien qu’elle soit très basse, la température des eaux augmente de manière significative en mai et procure alors des conditions de vie plus favorable pour les têtards.
 
La migration jusqu’à la zone de frai dans le lac peut s’avérer une aventure compliquée pour les crapauds : les pentes raides impliquent des montées périlleuses, les animaux peuvent dégringoler, voire carrément tomber durant leur ascension. Les crapauds restent dans un premier temps tranquillement à la surface, en zone peu profonde, avant de plonger une première fois, d’abord timidement jusqu’à un mètre de profondeur au maximum. A partir de là, ils plongent habituellement deux à trois fois en l’espace d’une heure. Et c’est seulement après cette phase d’habituation qu’ils plongent jusqu’à la zone de frai qui se trouve entre cinq et sept mètres de profondeur. Les plongeurs peuvent alors entendre les crapauds mâles chanter sous l’eau. Les crapauds semblent assurer leurs besoins en oxygène uniquement par des échanges au travers de leur peau, ce qui leur permet de ne pas remonter à la surface. La pression de l’eau qui agit sur les animaux est considérable, déjà à cette profondeur. Des plongeurs ont signalé des individus isolés observés entre 20 et 40 mètres de profond, et des pêcheurs ont été surpris de constater la présence de crapauds dans leurs filets lestés à des profondeurs similaires.
 
Cette étude à montrer que les oeufs sont fixés sur les rochers à une profondeur de deux à six mètres. Les pontes déposées à de plus grandes profondeurs ne se développent pas. On suppose que les cordons d’oeufs sont déposés à de plus grandes profondeurs que dans les étangs afin de les protéger contre les vagues. La prédation pourrait également être moins importante à ces profondeurs. D’après les observations des plongeurs  ce sont surtout les perches (Perca fluviatilis) qui se tiennent à proximité des pontes durant la période de frai. Elles se nourrissent aussi bien des oeufs que des têtards. Le temps que prend le développement des têtards en conditions lacustres comparativement à des conditions “normales” d’un étang est encore mal connu.
Sporadiquement, les grenouilles rousses pondent aussi dans le lac des Quatre-Cantons. Les pontes se trouvent à des profondeurs plus faibles, entre un et quatre mètres. Il est encore difficile de savoir si ce comportement de frai, qui est fondamentalement différent de celui des individus pondant dans des étangs, est fixé génétiquement ou s'il est simplement opportuniste.
 
Le trafic routier et la construction de routes amènent des problèmes sur les rives du lac. La topographie correspondante fait que la route est la plupart du temps parallèle aux rives du lac et coupe en deux les zones de frai et l’habitat terrestre du crapaud commun. Dans les années 1950, les populations étaient tellement importantes par endroit que l’on craignait pour la sécurité routière, car les routes étaient rendues glissantes par les nombreux cadavres jonchant la route. Cela puait le crapaud mort! Aujourd’hui, beaucoup de ces populations ont nettement régressé ou disparu. Localement, le problème de la mortalité routière peut être réduit par des barrières à amphibiens temporaires ou fixes.